Permis de conduire en ligne : moniteurs auto-entrepreneurs mais pas salariés

La cour administrative d’appel de Lyon a jugé que les moniteurs qui travaillent en qualité d’auto-entrepreneur pour la plateforme en ligne d’enseignement de la conduite automobile sous l’enseigne Le permis libre ne sont pas des salariés, au vu des conditions matérielles et effectives d’exercice des prestations. Dans son arrêt du 1er octobre 2020, elle a jugé que la Direccte n’avait pas renversé la présomption de non-salariat institué par l’article L 8221-6 du code du travail et en conclut que c’est à tort que le préfet du Rhône avait prononcé la fermeture administrative de l’établissement pour une durée de trois mois. L’Etat est condamné à verser 1 500 € à la société R & L qui exploite la plateforme, au titre de l’article L 761-1 du code de la justice administrative.
R & L, titulaire d’un agrément pour enseigner la conduite automobile, exploite une plateforme internet de mise en relation entre des tiers souhaitant préparer les épreuves de l’examen du permis de conduire et des moniteurs d’auto-école disposant de l’agrément d’enseignant ainsi que d’un véhicule équipé de la double commande. Les moniteurs sont contractuellement liés à R & L par des conditions générales d’utilisation du site applicables aux enseignants, exerçant sous le statut d’indépendant et bénéficiant de la présomption de non-salariat. Pour renverser cette présomption, il aurait fallu établir que les moniteurs fournissaient directement ou par personne interposée des prestations au donneur d’ordre dans des conditions qui les plaçaient dans un lien de subordination juridique permanente à l’égard de celui-ci. Peu importe la volonté exprimée des parties ni de la dénomination donnée dans leur convention, rappelle la cour, ce sont les conditions effectives d’exercice de la prestation qui comptent. Or, il résulte de l’instruction que plusieurs éléments plaident en faveur d’une activité hors salariat. D’abord, si les tarifs horaires sont fixés unilatéralement par R & L qui reverse la rémunération aux moniteurs, ces derniers restent libres de proposer leur service à d’autres structures agréées de formation à la conduite automobile, de choisir le nombre d’heures d’enseignement à dispenser sous l’enseigne R & L, leurs horaires, leur secteur géographique ou bien encore de renoncer à proposer leur prestation sans qu’aucun objectif quantitatif ne puisse leur être imposé. Par ailleurs, si les moniteurs sont soumis à l’évaluation des candidats, si R & L se réserve le droit de suivre le taux de réussite à l’examen du permis de conduire par enseignant, « ces clauses sont dépourvues de prérogative hiérarchique permettant de contraindre un moniteur à modifier ses pratiques ». Enfin, si selon les conditions générales d’utilisation, R & L dispose d’un pouvoir de sanction en cas d’annulation par le formateur d’une réservation en deçà du délai contractuel de quarante-huit heures ou en cas de mauvaise évaluation par les élèves, « ces stipulations visent, comme dans toute relation d’affaires, à pénaliser la partie qui n’exécute pas ou exécute mal ses obligations et n’instaurent pas de lien de subordination entre le gestionnaire de la plateforme et ses prestataires ».

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Refuser de communiquer le code de déverrouillage de son smartphone peut constituer une infraction

Le refus de fournir le code de déverrouillage d’un téléphone peut constituer l’infraction de refus de remise de la convention secrète de chiffrement d’un moyen de cryptologie lorsqu’elle fait suite à une réquisition émanant d’une autorité judiciaire, selon l’arrêt du 13 octobre de la Cour de cassation. Dans cette affaire, le prévenu avait refusé de remettre les codes de déverrouillage des trois téléphones portables qu’il avait sur lui. La cour d’appel avait relaxé le prévenu condamné en 1ère instance, au motif qu’« un code de déverrouillage d’un téléphone portable d’usage courant, qui ouvre l’accès aux données qui y sont contenues, ne constitue pas une convention secrète d’un moyen de cryptologie, en ce qu’il ne permet pas de déchiffrer des données ou messages cryptés ». La cour suprême a invalidé l’arrêt de la cour de Paris car elle estime qu’en se référant à la notion de téléphone d’usage courant, la cour d’appel a méconnu les textes applicables en la matière.
L’article 434-15-2 du code pénal réprime le fait de refuser de remettre aux autorités la convention secrète de déchiffrement d’un moyen de cryptologie dont la personne a connaissance lorsque ce moyen est susceptible d’avoir été utilisé pour commettre un crime ou un délit. La Cour de cassation considère justement que, de la combinaison de cet article avec l’article 29 de la LCEN et les articles L. 871-1 Et R. 871-3 du code de la sécurité intérieure, il s’en déduit que « la convention secrète de déchiffrement d’un moyen de cryptologie contribue à la mise au clair des données qui ont été préalablement transformées, par tout matériel ou logiciel, dans le but de garantir la sécurité de leur stockage, et d’assurer ainsi notamment leur confidentialité. Le code de déverrouillage d’un téléphone portable peut constituer une telle convention lorsque ledit téléphone est équipé d’un moyen de cryptologie. ».

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Google doit négocier avec les éditeurs de presse une rémunération

Par un arrêt du 8 octobre 2020, la cour d’appel de Paris a rejeté les demandes d’annulation de Google contre la décision de l’Autorité de la concurrence du 9 avril 2020 qui lui avait imposé plusieurs injonctions dont la négociation de bonne foi avec les éditeurs de presse qui feraient la demande de rémunération contre la reprise de contenus selon des critères transparents, objectifs et discriminatoires. L’Autorité avait considéré que Google avait des pratiques susceptibles de caractériser un abus de position dominante, en ayant imposé aux éditeurs des conditions de transaction inéquitables tout en refusant toute forme de rémunération suivant les modalités prévues par la loi du 24 juillet 2019.
L’article 15 de la directive a créé un droit voisin au bénéfice des éditeurs de presse en leur conférant le droit d’autoriser ou d’interdire la reproduction, la communication et la mise à disposition de leurs publications. Un mois avant l’entrée en vigueur de la loi du 24 juillet 2019 transposant la directive, Google avait annoncé qu’il n’afficherait plus d’aperçus de contenus de presse français, sauf si l’éditeur l’autorisait. Il avait toutefois précisé qu’il n’entendait pas rémunérer les éditeurs estimant que ces extraits relevaient de l’article L 211-3-1 qui prévoit que les ayants droit ne peuvent interdire « l’utilisation de mots isolés ou de très courts extraits d’une publication de presse. ». Vu la dépendance des éditeurs de presse au moteur de recherche – en France, Google détenait en 2019 93,34 % de parts de marché des services de recherche généraliste –, 87 % d’entre eux avaient accepté que Google affiche leurs contenus, sans contrepartie financière, en l’informant que cette autorisation ne valait pas renonciation de leur part à obtenir une rémunération pour la reprise des contenus protégés. C’est dans ce contexte que des syndicats de presse et l’AFP ont saisi l’Autorité de la concurrence qui a prononcé, à titre conservatoire, plusieurs injonctions à l’encontre de Google dont le comportement était susceptible de caractériser un abus de position dominante.
Sur le moyen de Google tiré de l’absence de pratique anticoncurrentielle, la cour a commencé par confirmer sans surprise qu’avec plus de 90% de parts de marché sur la recherche généraliste en ligne, Google détenait une position dominante. Puis, elle a validé les mesures conservatoires décidées par l’autorité de régulation en raison de l’existence d’une pratique anticoncurrentielle probable. En effet, le comportement unilatéral et systématique adopté par Google a placé les éditeurs dans une « situation fortement contrainte » faisant peser sur eux un risque de déréférencement. De son côté, Google tire un intérêt économique évident pour l’affichage d’articles, du fait des revenus publicitaires qu’il en tire et de l’attractivité supplémentaire de son moteur de recherche. En privant les éditeurs de la possibilité de négocier une rémunération au moment où la loi reconnaît ce droit est susceptible d’être qualifié « d’abus de position d’exploitation par l’imposition de conditions de transactions inéquitables ». Par ailleurs, l’Autorité de la concurrence avait retenu une atteinte grave de nature à affecter la pérennité d’un secteur dans son ensemble et des sociétés saisissantes en particulier et ainsi à compromettre l’offre numérique des consommateurs et des différents acteurs du marché qui la valorise.
La cour a estimé que l’autorité avait parfaitement caractérisé l’urgence et le caractère immédiat de l’atteinte. Et elle a approuvé le caractère nécessaire et proportionné des quatre mesures conservatoires ordonnées et soumises à l’examen de la cour. Concernant l’injonction de négocier de bonne foi, la cour a estimé que les limitations apportées à la liberté contractuelle n’étaient pas disproportionnées compte tenu de l’atteinte portée aux droits voisins du droit d’auteur et du possible abus d’exploitation de position dominante. Par ailleurs, l’autorité avait imposé le maintien des modalités d’affichage mises en place par la loi, selon les paramètres retenus par les éditeurs, pendant la durée de la négociation. La cour a approuvé cette injonction pour les mêmes raisons que la précédente. L’autorité avait aussi ordonné que Google prenne des mesures pour que les négociations n’affectent ni l’indexation ni le classement ni la présentation des contenus protégés repris par lui. Sur ce point, la cour d’appel a complété la décision de l’autorité en prévoyant que cette injonction ne doit pas faire obstacle aux améliorations et innovations de Google, sous réserve qu’elles n’entraînent, directement ou indirectement, aucune conséquence préjudiciable aux titulaires de droits voisins par les négociations. Enfin, la cour approuve le fait que les négociations les négociations n’affectent pas les autres relations économiques qui existeraient entre Google et les éditeurs de presse. Selon la cour, même si cette mesure peut l’empêcher de modifier son modèle économique, ces imitations à sa liberté d’entreprendre et à sa liberté contractuelle ne sont pas disproportionnées.

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Parasitisme : exploitation d’une création sans paiement intégral du prix

Le fait que l’identité visuelle créée par une agence de communication ait été exploitée par son client alors que plus de la moitié de la rémunération convenue n’a pas été payée « constitue l’appropriation injustifiée d’une valeur économique et caractérise les actes parasitaires dénoncés », a conclu le tribunal judiciaire de Paris dans un jugement du 9 octobre 2020. En revanche, le tribunal a rejeté les demandes de l’agence sur le fondement du droit d’auteur considérant que « nonobstant la qualité et l’efficacité de son travail de conception, et le fait qu’il se distingue par une combinaison d’éléments visuels et intellectuellement suggestifs qui se renforçant mutuellement, la société Bug ne démontre pas l’originalité des caractéristiques qu’elle invoque ». Au regard des prestations accomplies et des actes d’exploitation relevés, le tribunal fixe à 22 000 € le préjudice subi par l’agence.
La société Ixom, spécialisée dans les équipements pour cycles, avait confié à la société Bug la construction de son identité visuelle et la définition de sa stratégie de communication, puis dans un second temps la conception du packaging et le suivi de la production de son site web par la société Pepper Internet. Bug a cessé ses missions en raison de cinq factures impayées. Or, Ixom a exploité les réalisations de Bug tant sur son site internet qu’au moyen de ses comptes Facebook et Twitter, ainsi que sur les supports publicitaires et les packagings des produits d’Ixom. En outre, elle a poursuivi le développement de son site, via Pepper Internet en utilisant la charte graphique créée par Bug.
Bug s’est vu déboutée de ses demandes sur le fondement du droit d’auteur car ses créations ne sont pas originales. Concernant le logo, le tribunal constate que la police de caractères choisie est couramment utilisée dans le domaine technique et mécanique. Concernant le slogan « we love cycling as much as you do », il est centré sur l’utilisateur du produit pour assurer sa promotion ce qui traduit une maîtrise professionnelle de l’outil de communication, mais ne peut suffire à révéler une empreinte personnelle, estime le tribunal. De même que les éléments de la charte sont d’une qualité esthétique destinée à servir efficacement le message à transmettre, mais ne portent pas l’empreinte de la personnalité d’un auteur.

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Commentaire diffamatoire sur Google My Business : condamnation

Le tribunal judiciaire de Marseille a condamné l’auteur d’un commentaire jugé diffamatoire contre une dentiste, diffusé sur Google My Business. Par une ordonnance de référé du 23 septembre 2020, le tribunal a condamné cette personne, ainsi que sa sœur qui l’avait incitée à agir, à supprimer l’avis publié sous astreinte de 300 € par jour de retard. Les sœurs doivent en outre verser à la dentiste 300 € de dommages-intérêts et 1 500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi que 1 690 € d’impayés. Cette affaire est intervenue dans le cadre d’un litige entre une dentiste et sa patiente. Un compte Google My Business ayant été créé pour cette dentiste, la sœur de la patiente y a rédigé un commentaire remettant en cause la probité et la compétence professionnelle de la praticienne. Elle avait agi sur instruction et incitation de la patiente.

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Condamnation pour diffamation d’un antisémite notoire

Celui qui a déjà fait l’objet de 19 mentions de condamnations au casier judiciaire, notamment pour provocation à la haine raciale, diffamation et injure publique en raison de sa religion ou de ses origines au moyen de communication par voie électronique a, à nouveau, été condamné sur ce dernier fondement, en sa qualité de directeur de la publication du site internet en cause. Dans son jugement du 6 octobre 2020, le tribunal judiciaire de Paris reconnaît que le fait d’imputer à la communauté juive les attentats du 11 septembre 2001 portent à l’évidence atteinte à l’honneur et à la considération de ce groupe de personnes et rejaillit sur l’ensemble de ses membres. A la lumière de la formulation et du contexte dans lequel les propos s’inscrivent, le tribunal a jugé que les faits étaient constitutifs d’une diffamation publique envers ce groupe. Les juges ont particulièrement motivé leur décision quant à l’imputabilité des propos poursuivis au prévenu. Celui-ci avait créé un profil sur le réseau social russe V Kontakte à son nom. Il y avait posté un commentaire invitant à consulter un de ses articles intitulé : Dix-huitième anniversaire du 11 septembre : relire l’article « De l’hypothèse interne à l’hypothèse israélienne » et publié sur le site dont il est directeur de la publication.

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