Effacement de données issues de vidéosurveillance algorithmique

Par une ordonnance de référé du 22 novembre 2023, le tribunal administratif de Caen a enjoint à la communauté de communes Cœur Côte Fleurie (comprenant notamment Deauville-Trouville) d’effacer les données à caractère personnel issues de l’usage du logiciel de vidéosurveillance algorithmique Briefcam, à l’exception d’un seul exemplaire du fichier, dans sa dernière version à la date de la présente ordonnance, qui sera placé sous séquestre auprès de la Commission nationale informatique et libertés. Le juge des référés a considéré que le dispositif de caméras augmentées de BriefCam utilisé par la communauté de communes porte une atteinte grave et manifestement illégale au respect de la vie privée. Il constate que le recours à un tel système qui intervient en dehors de tout cadre légal ou réglementaire et qui a pour objet de simplifier l’exploitation du contenu de vidéosurveillance et d’accélérer le temps d’identification des menaces de sécurité, permet d’identifier des personnes physiques en fonction de leurs caractéristiques propres. Il note par ailleurs qu’il n’est pas établi ni même allégué que d’autres moyens moins intrusifs au regard de la vie privée ne pouvaient être mis en œuvre afin de préserver l’ordre public.
Ce dispositif d’analyse vidéo a été mis en place en 2016 afin de transformer la vidéo brute en source de renseignements exploitables, en réduisant le temps d’identification des menaces de sécurité et un communiqué de l’intercommunalité informe qu’il s’appuie quotidiennement sur Briefcam pour faire progresser les enquêtes. Mais il a fallu la publication d’un article sur le site Disclose le 14 novembre 2023 pour que le public apprenne son existence. Il révèle que les caméras augmentées couplées au logiciel de vidéosurveillance algorithmique Briefcam permettent, d’une part, d’identifier des personnes physiques en fonction de leurs caractéristiques propres (taille, couleur de peau, couleur de cheveux, âge, sexe, couleur des vêtements et apparence, manière de se mouvoir) et, d’autre part, de les suivre de manière automatisée. Comme l’explique le guide des technologies de sûreté 2022 versé au dossier, le logiciel Briefcam constitue une plateforme complète d’analyse de contenu vidéo qui s’intègre dans les systèmes de vidéosurveillance existants et permet d’exploiter le contenu de vidéosurveillance en simplifiant la consultation de ces systèmes et leur exploitation. Selon ce document, cette plateforme, « basée sur une combinaison unique de la technologie brevetée de Vidéo Synopsis et deep learning » permet entre autres d’accélérer les enquêtes en résumant des heures de vidéos en quelques minutes, avec plus de trente filtres de classification d’objets.
Comme le rappelle la Cnil et le tribunal, la loi Informatique et libertés n’autorise pas le déploiement dans l’espace public par l’Etat ou les collectivités publiques de caméras intelligentes ou augmentées qui permettent de repérer de manière automatique des comportements contraires à l’ordre public ou des infractions. À noter que la communauté de communes Cœur Côte Fleurie n’a pas présenté d’observation en défense et n’était pas représentée.