Logiciel : pas de protection sans preuve d’originalité

Par un arrêt du 29 octobre 2024, la cour d’appel de Bordeaux rappelle qu’un logiciel, même inachevé, peut bénéficier de la protection au titre des droits d’auteur. « Il en va ainsi d’un travail d’ébauche de logiciel qui serait suffisamment avancé pour constituer une étape fonctionnelle du travail dès lors que celui-ci est en soi empreint d’originalité ». Encore fallait-il en rapporter la preuve.
Deux frères, l’un informaticien et l’autre dessinateur, s’étaient rapprochés d’un agriculteur et fondateur de la société Myriocom, afin de développer et d’optimiser un logiciel dit « cahier sanitaire » servant dans le domaine du commerce de bétails. Prétendant être les auteurs de ce logiciel et reprochant à Myriocom et son fondateur de s’être servis, sans leur accord, de leur logiciel d’origine et de leurs travaux préparatoires en vue de son optimisation, les frères ont fait procéder à une saisie-contrefaçon. Mais faute d’accord amiable, ils les ont assignés devant le tribunal de grande instance de Bordeaux sur le fondement de la contrefaçon de droit d’auteur et de la concurrence déloyale et parasitaire.
Comme l’originalité du logiciel n’a pu être établie, celui-ci n’a pas pu bénéficier de la protection par le droit d’auteur. En conséquence, les frères ont été déboutés de leur action en contrefaçon. La cour a rappelé que l’originalité d’un logiciel « ne saurait résulter, comme en l’espèce, de la seule reproduction de captures d’écran de feuilles Excel et d’ interfaces, et notamment de l’interface utilisateur avec le détail de son menu ou de l’ouverture des différentes pages dont il est affirmé par MM. [M] l’originalité (…) sans expliquer en quoi les choix opérés, (…) procèdent d’une originalité reflétant les choix arbitraires de son auteur ».
En revanche, la cour a accueilli les demandes des frères relatives à la concurrence déloyale. Le procès-verbal de la saisie-contrefaçon a fait apparaître que sur l’ordinateur ont été trouvés des éléments relatifs aux travaux préparatoires remontant à l’époque où le fondateur de Myriocom travaillait avec les frères. Et alors qu’il n’a jamais été en possession des codes source du logiciel des frères, l’agriculteur s’est adressé à une autre société pour pouvoir finaliser la réalisation d’une application mobile permettant la traçabilité sanitaire de ses bovins. Les éléments ainsi saisis et les déclarations du fondateur de Myriocom ont confirmé qu’il avait repris le travail préparatoire du logiciel émanant des frères, et qui était leur propriété, dans le cadre du travail spécifique confié à une société tierce en vue de la création d’une application pour téléphone mobile,
La seule reprise pour son compte de ce travail constitue une faute qui cause préjudice aux appelants. Toutefois, il n’a pas été établi que Myriocom aurait tiré profit de leur travail pour s’approprier de nouveaux marchés. La cour a condamné la société et son fondateur à verser 5 000 € de dommages-intérêts aux deux frères.

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Messages privés : licenciement sans cause réelle et sérieuse

Une conversation privée sur Messenger qui n’était pas destinée à être rendue publique ne peut constituer un manquement d’une salariée aux obligations découlant du contrat de travail. En conséquence, le licenciement prononcé pour motif disciplinaire ne peut être justifié. Dans un arrêt du 21 novembre 2024, la cour d’appel de Paris confirme ainsi le jugement rendu le 23 juillet 2021du conseil des prud’hommes de Meaux qui avait jugé que la rupture du contrat de travail devait s’analyser comme un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
A l’occasion de l’absence d’une salariée, son employeur lui avait demandé de communiquer ses identifiants afin que ses collègues puissent accéder à ses documents professionnels pour les partager sur le réseau. Après avoir entré les identifiants et cliqué sur le volet « safari » permettant le transfert de fichiers, la direction affirme que la session Facebook de la salariée s’est ouverte automatiquement affichant ainsi les échanges de messages sur Messenger d’autres salariés. Parmi eux figuraient ceux d’une collègue dont les propos ont été considérés par l’employeur comme dégradants, insultants humiliants voire discriminants envers d’autres collègues ou le management et ont motivé son licenciement.
Pour la direction, le fait que la conversation Facebook se soit ouverte dès l’accès à l’ordinateur professionnel lui retire tout caractère privé. La cour d’appel désapprouve ce raisonnement en s’appuyant sur un arrêt de la Cour de cassation du 22 décembre 2023 qui avait retenu qu’une conversation privée qui n’était pas destinée à être rendue publique ne pouvait pas constituer un manquement du salarié aux obligations découlant du contrat de travail, et donc justifier un licenciement, prononcé pour motif disciplinaire. En conséquence, le fait que la salariée ait communiqué ses identifiants afin de permettre l’accès à son ordinateur professionnel et qu’à cette occasion les échanges Facebook aient été découverts ne saurait, contrairement à ce que soutient l’employeur, leur conférer un caractère public.
Il résulte des articles L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail, qu’un motif tiré de la vie personnelle du salarié ne peut justifier, en principe, un licenciement disciplinaire, sauf s’il constitue un manquement de l’intéressé à une obligation découlant de son contrat de travail. La cour d’appel en conclut que « l’employeur qui a utilisé le contenu des messages personnels émis par la salariée et reçus par une autre salariée grâce à un outil informatique mis à sa disposition pour son travail a porté atteinte à la vie privée de la salariée et lui a causé un préjudice ». Elle confirme le jugement du conseil des prud’hommes et la condamnation à verser 2 000 € de dommages-intérêts et 2 000 € au titre de l’article 700 du CPC pour les frais engagés.

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Rançongiciel : Telegram doit communiquer les données d’identification

Par une ordonnance de référé du 12 novembre 2024, le tribunal judiciaire de Paris a ordonné « à la société Telegram messenger inc de communiquer aux sociétés Free et Free mobile, pour les besoins des poursuites pénales, dans un délai de 48 heures à compter de la signification de la présente ordonnance, toutes les données d’identification de la personne qui a créé le compte de la messagerie ayant permis d’envoyer le message litigieux à M. [J], ce compte apparaissant sous les identités « [Z] [L] » et « [Courriel 1] » et qui a envoyé le message destiné à M. [J] sous l’identité « [Z] [L] », notamment : Le numéro de téléphone de cette personne, La ou les adresses IP qui ont pu être recueillies lors de la création du compte Telegram et de l’envoi de ce message, ainsi que les ports-source desdites adresses IP, Toutes informations utiles à l’identification de la personne recherchée, telles que prévues par les dispositions des articles L. 34-1 et R. 10-13 du code des postes et communications électroniques, Toutes informations disponibles dans ce contexte légal, et qui pourraient se rapporter à tout autre nouveau compte ou fonctionnalité de messagerie Telegram qui seraient utilisés par le pirate »
Free s’était vu proposer, via un message envoyé sur Telegram, une demande de rançon de 10 millions d’euros sous peine de diffuser ou d’exploiter les 19 millions de clients et 5 millions de RIB dérobés en octobre dernier. Au lieu de payer la rançon, Free a fait assigner la société Telegram devant le juge des référés afin qu’elle communique tous les éléments permettant d’identifier le maître chanteur.
Le tribunal a rappelé que l’obtention de telles mesures est subordonnée à plusieurs conditions : l’absence de procès devant le juge du fond, l’existence d’un motif légitime, l’intérêt probatoire du demandeur -apprécié notamment au regard de la mesure sollicitée et des intérêts du défendeur- et la nature légalement admissible de la mesure demandée. Le tribunal constate d’abord qu’aucune procédure au fond n’est en cours et que Free a déposé plainte le 25 octobre 2024 auprès du procureur de la République. Il existe donc bien à ce stade de la procédure un procès pénal en germe. Free justifie ainsi d’un intérêt légitime à obtenir les éléments d’identification en vue d’engager une action au fond contre le ou les auteurs des infractions subies. Sur la nature légalement admissible des mesures sollicitées, le tribunal relève que les faits dénoncés par Free sont susceptibles de constituer les infractions d’accès et de maintien frauduleux dans un système de traitement automatisé de données, d’extraction et de détention frauduleuses de données contenues dans un système de traitement et de tentative d’escroquerie. « Il s’agit de faits pour lesquels les opérateurs de communication électroniques, tels que la société Telegram messenger inc, sont tenus de conserver les données d’identification pendant une durée de cinq ans et qui justifient la communication des données d’identification dans le cadre prévu par l’article L 34-1 II bis 1° et 2° du code des postes et des télécommunications « pour les besoins des procédures pénales ».
Au vu de ces éléments, le tribunal décide en conséquence de faire droit à la demande de Free, « cette mesure étant proportionnée et adaptée à l’objectif poursuivi par les sociétés défenderesses, ce aux fins exclusives de poursuites engagées contre les auteurs présumés d’infractions pénales, dont le droit à la protection des données cède ici légitimement face au droit au respect de la vie privée des abonnés Free et Free mobile dont les données personnelles et bancaires ont été détournées ».

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Pas de consentement nécessaire pour utiliser des profils sur LinkedIn

Celui qui voudrait utiliser les données personnelles figurant sur un profil détaillé public sur LinkedIn serait dispensé de demander le consentement de la personne concernée, au sens de l’article 5 du RGPD. Telle est la conclusion que l’on peut déduire du jugement du 30 septembre 2024 du tribunal de commerce de Paris. Le tribunal explique que celui qui met son profil sur ce réseau social entend « booster sa carrière en faisant savoir ses compétences et ses expériences professionnelles antérieures à tous les employeurs potentiels. En conséquence, le tribunal observe que, en mettant son profil détaillé sur un site d’accès public comme LinkedIn, tout utilisateur s’expose sciemment à ce que les informations qu’il y dépose volontairement soient utilisées dans le cadre de la recherche de profils adaptés pour des employeurs éventuels ». Mais faute de preuve du non-respect de l’article 5 du règlement, la plateforme en ligne de recrutement qui poursuivait en concurrence déloyale une autre plateforme au motif que la seconde se serait affranchie de respecter le RGPD, a été déboutée de ce chef. Elle l’avait également accusée de procéder à des « extractions massives de données sur Linkedin mais elle a également été déboutée de ses demandes faute de preuve. Le tribunal relève en outre que la Cnil n’avait reçu aucune plainte de personnes concernées. En revanche, les juges consulaires ont reconnu que la plateforme n’avait pas respecté ses conditions générales d’utilisation qui lui interdisaient de faire du web scrapping ou de copier des profils d’autres services. En effet, le tribunal a relevé que les dirigeants de la plateforme ne contestaient pas le fait d’avoir utilisé des profils sur LinkedIn pour les proposer à ses clients. Considérant que cette faute constitue un acte de concurrence déloyale, le tribunal l’a donc condamnée à verser 10 000 € de dommages-intérêts à l’autre plateforme ainsi que 10 000 € en réparation d’actes de dénigrement.

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Factures et services non contestés valent contrat implicite

« Les sociétés CP International et Holding FCPI ont accepté pendant plusieurs années les factures émises par Calliope, sans aucune contestation. Bien au contraire, les factures de 2018 à 2023 ont été approuvées par un représentant de la société et ont été réglées par chèque ou par virement en début de période, démontrant ainsi l’acceptation du service à fournir par Calliope. Il existe donc un contrat implicite formé entre les parties ». Par un jugement du 22 octobre 2024, le tribunal de commerce de Bobigny a ordonné à la société cliente d’honorer les factures envoyées par son prestataire malgré l’absence de contrat écrit.
Le 14 mars 2023, Calliope avait envoyé à CP International une facture de 27 799,15 €, pour le contrat de mise à jour du logiciel NAV pour la période du 27/05/2023 au 26/05/2024. Or, deux jours après, ce groupe était repris par la société SAS FS3V. Et la nouvelle direction de CP International a demandé les justificatifs de cette facturation ainsi que de l’ensemble des factures émises par Calliope. Considérant ces facturations injustifiées, CP International, par l’intermédiaire de sa maison mère Holding FCPI, l’a mis en demeure de rembourser les factures réglées au cours des cinq dernières années (2018 à 2022), pour un montant total de 124 021,83 €. Calliope n’ayant pas obtempérée, elle a été assignée en justice.
Le seul contrat se rapportant au logiciel NAV trouvé par la nouvelle direction de CP International est un contrat de maintenance de logiciels distribués par RBS signé en 2010 par CP International. Mais RBS a été liquidée en 2014, et aucune information de reprise du contrat de maintenance et de mise à jour du logiciel n’a été adressée par Calliope à CP International qui ne voit aucune justification à régler ces factures. Or, Calliope rappelle qu’elle est liée à CP International par un « contrat de maintenance – mise à jour » implicite, justifié par les redevances annuelles payées par Calliope à Microsoft et refacturées à CP International. Elle considère donc que ce contrat existe et que sa cliente utilise les prestations offertes par Calliope. Elle rappelle que la persistance de ce contrat est le seul moyen pour CP International de conserver sa licence et sa possibilité d’utiliser le logiciel NAV.

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Abritel gagne contre la ville de Paris

Par un arrêt du 22 octobre 2024, la cour d’appel de Paris a rejeté les demandes de la ville de Paris de voir condamnée la plateforme de location saisonnière Abritel pour ne pas lui avoir communiqué certaines informations relatives aux meublés mis en location via la plateforme. Confirmant le jugement du tribunal judiciaire de Paris du 30 novembre 2022, la cour a appliqué la règle du pays d’origine figurant à l’article 3 de la directive de 2000 sur le commerce électronique. Elle estime que ce texte ne permet pas à une commune d’exiger d’une telle plateforme établie dans un autre État membre de l’Union européenne la communication de données permettant à ces municipalités de contrôler le respect, par les loueurs, des règles encadrant la location de meublés touristiques. Jusqu’au 31 décembre 2020, le site Abritel était exploité par la société de droit britannique Homeaway UK Limited, et depuis 2021, par la société de droit irlandais EG Vacation Rentals Ireland Limited suite à un transfert d’activité.
Se fondant sur l’article L. 324-1-1 du code de tourisme, la ville de Paris avait demandé à Abritel le nombre de jours, en 2018 et 2019, au cours desquels un meublé de tourisme avait fait l’objet d’une location par son intermédiaire en rappelant l’adresse du meublé et son numéro de déclaration. Abritel s’y est opposée en s’appuyant sur la règle du pays d’origine, prévue par l’article 3, paragraphes 1 et 2 de la directive 2000/31/CE sur le commerce électronique précité. Cet article prévoit que « les États membres ne peuvent, pour des raisons relevant du domaine coordonné, restreindre la libre circulation des services de la société de l’information en provenance d’un autre État membre ». Or, les services en question relèvent des services de la société de l’information visés à l’article 2, sous a), de la directive 2000/31. Et les obligations imposées constituent des exigences concernant l’exercice de l’activité d’un service de la société de l’information, de telle sorte que ces obligations relèvent du “domaine coordonné ”, au sens de l’article 2, sous h), de la directive 2000/31, selon la cour d’appel.
Les mesures françaises qui n’existent pas dans leur pays d’origine exigent, de la part des fournisseurs de services d’intermédiation, une adaptation administrative, technique, financière et numérique significative, outre un recueil d’informations concernant la réglementation des diverses communes concernées et un traitement des données à transmettre. De surcroît, elles les exposent à un risque d’amende civile. « En conséquence, ces mesures, transmises le 19 décembre 2019 par la Ville de Paris, faisaient peser des contraintes supplémentaires ou plus strictes que celles auxquelles la société Homeaway UK Limited était soumise au lieu de son établissement, en l’occurrence l’Angleterre ».
La Ville de Paris soutient aussi que les mesures du code du tourisme reposent sur l’ordre public et sont proportionnées au sens de l’article 3, paragraphe 4, de la directive 2000/31. La Cour lui oppose l’interprétation de ce texte par la CJUE dans l’arrêt du 9 novembre 2023, Google Ireland qui a dit pour droit que « des mesures générales et abstraites visant une catégorie de services donnés de la société de l’information décrite en des termes généraux et s’appliquant indistinctement à tout prestataire de cette catégorie de services ne relèvent pas de la notion de prises à l’encontre d’un service donné de la société de l’information ». Or, rappelle la cour d’appel, l’article L. 324-1-2 du code du tourisme s’applique indistinctement à « toute personne qui se livre ou prête son concours contre rémunération ou à titre gratuit, par une activité d’entremise ou de négociation ou par la mise à disposition d’une plate-forme numérique, à la mise en location d’un meublé de tourisme ».
La cour d’appel rejette ainsi les demandes de la ville de Paris en concluant que « les mesures en cause présentant un caractère général et abstrait, il ne pouvait, en tout état de cause, être satisfait aux obligations de notifications telles que prévues par l’article 3, paragraphe 4, de la directive 2000/31 du 8 juin 2000 ».

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Pas de preuve, faute d’expertise judiciaire

Dans le cadre d’un litige relatif à la refonte d’un site internet, le tribunal judiciaire d’Annecy a rejeté les demandes d’indemnisation du client au motif qu’un constat d’huissier n’était pas suffisant pour caractériser les fautes du prestataire, en l’absence d’une expertise judiciaire.
Une société spécialisée dans le négoce du vin avait conclu un contrat pour la refonte du site internet qui devait être livré le 1er juillet 2021. Mais après plusieurs reports, la mise en production a été reportée au 9 novembre suivant pour permettre au client de le tester et de vérifier qu’il répond aux attentes du client. Mais arrivant à cette étape, ce dernier a contesté la dernière facture invoquant des dysfonctionnements. Malgré la persistance des désaccords, le client a demandé de nouvelles prestations à son fournisseur. C’est dans ce contexte que ce dernier a mis en demeure son client d’honorer ses factures. Celui-ci a fini par faire appel à un nouveau prestataire et a assigné le premier pour voir sa responsabilité contractuelle engagée et obtenir l’indemnisation de son préjudice subi en raison de l’inexécution du contrat.
Dans son jugement, le tribunal commence par déplorer qu’aucune expertise judiciaire ne soit venue établir des fautes professionnelles du prestataire, le constat d’huissier ne suffisant pas à caractériser les insuffisances de fonctionnement du site qui lui seraient imputables. Et aussi du fait de l’absence d’expertise judiciaire, le client n’a pas démontré de préjudice de perte d’activité subi en raison des manquements du prestataire, estime le tribunal. Il en conclut que le client qui a refusé de payer la dernière facture n’a pas respecté les termes du contrat et a ainsi dégagé son prestataire de sa responsabilité. Il condamne donc le client à payer la facture non honorée ainsi que 2 000 € au titre des frais que le prestataire a dû engager pour sa défense.

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Pas de communication des données techniques pour l’usurpation d’identité

Dans une affaire d’usurpation d’identité d’un maire pour la création de faux comptes Facebook, la cour d’appel de Paris a estimé, dans un arrêt du 10 septembre dernier, que la société Meta n’était tenue de communiquer que les seules informations d’identification du titulaire du compte, mais pas les données techniques permettant d’identifier la source de la connexion ni de celles relatives aux équipements terminaux utilisés. La cour s’appuie sur le décret du 20 octobre 2021 relatif à la conservation des données permettant d’identifier toute personne ayant contribué à la création d’un contenu mis en ligne, pris en application du II de l’article 6 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004. En vertu de ce texte rappelle la cour, ces données techniques « ne peuvent être conservées que pour les seuls besoins de la lutte contre la criminalité et la délinquance grave, de la prévention des menaces graves contre la sécurité publique et de la sauvegarde de la sécurité nationale et ce, pendant une durée d’un an ».
Le maire souhaitait obtenir les données d’identification et les données techniques pour poursuivre le ou les intéressés pour des faits d’infraction aux dispositions de l’article 226- 4-1 du code pénal qui dispose que le fait d’usurper en ligne ou non l’identité d’un tiers ou de faire usage d’une ou plusieurs données de toute nature permettant de l’identifier en vue de troubler sa tranquillité ou celle d’autrui, ou de porter atteinte à son honneur ou à sa considération, est puni d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende. « Il n’agit donc pas pour « les besoins de la lutte contre la criminalité et la délinquance grave, de la prévention des menaces graves contre la sécurité publique et de la sauvegarde de la sécurité nationale » visés au 3° de l’article L. 34-1 précité du code des postes et communications électroniques », conclut la cour.
Le fait de ne pas pouvoir disposer des adresses IP risquent d’entraver considérablement la poursuite des auteurs de tels délits dans la mesure les données d’identification communiquées à l’ouverture d’un compte Facebook, Instagram ou autre réseau social sont déclaratives et souvent inexploitables.

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Thales obtient l’exécution forcée du contrat par VMWare

Le 19 juillet dernier, le tribunal de commerce de Paris a ordonné à VMWare l’exécution forcée du contrat ELA (« contrat de licence d’entreprise globale ») le liant à Thales, sous astreinte de 50 000 € par jour de retard ou par infraction constatée. Ce contrat qui expire en mars 2025 a pour objet l’acquisition de licences perpétuelles complémentaires pour une valeur prédéterminée. Dans ce cadre, Thales a passé, le 11 décembre 2023, une commande additionnelle de licences. Mais VMWare a refusé de l’exécuter invoquant la fin de son programme de licences perpétuelles, comme la société l’a annoncée le 12 décembre par voie de communiqué.
En novembre dernier, l’Américain Broadcom, spécialisé dans les semi-conducteurs, avait acquis VMWare, éditeur de logiciels de virtualisation, après l’aval de la Commission européenne. Et dès décembre, ce dernier avait annoncé « une simplification spectaculaire » et une réduction du portefeuille de produits ainsi que la fin immédiate des licences perpétuelles. Il avait ainsi imposé l’abonnement mensuel à une offre regroupée de produits, avec à la clé une explosion des prix. C’est dans ce contexte que VMWare a refusé d’exécuter le contrat en cours de Thales. Le groupe français l’a assigné en référé en vue d’obtenir l’exécution forcée du contrat ELA et du contrat de partenariat dédié à son activité de cloud au profit de ses clients.
VMWare a fait valoir le fait qu’il avait l’annoncé par communiqué la fin des licences perpétuelles. Mais le tribunal va rejeter cet argument au motif que le communiqué est « inopérant et ne saurait permettre à VMWare de se soustraire à ses engagements contractuels ». Par ailleurs, les juges relèvent que n’est invoqué « aucune disposition contractuelle lui permettant de mettre fin de façon anticipée au contrat en cours, ou à la seule clause de condition d’achat complémentaire ». En revanche, il déboute Thales de ses demandes relatives au contrat de partenariat. Il constate que ce contrat relève déjà de la commercialisation de licences par souscription, et que les seules modifications affectent le périmètre des « bundles » et leur tarif. Et de conclure que « Thales ne démontre pas les conséquences techniques qu’elle allègue d’un tel changement. Le débat se résume alors aux conséquences pécuniaires des changements annoncés par VMWare. Thalès ne démontre pas non plus son incapacité à y faire face ».

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L’Etat condamné pour son inaction sur l’inclusion numérique d’un logiciel

À l’issue des jeux paralympiques, l’ApiDV (l’association « Accompagner, promouvoir, intégrer les Déficients Visuels ») a profité de l’occasion pour mettre en lumière une décision du tribunal administratif de Paris qui a sanctionné l’Etat pour son défaut d’action en faveur de l’inclusion numérique des logiciels de l’Education nationale. Le 21 mai dernier, le tribunal a condamné l’État pour son refus d’agir afin de rendre accessibles aux personnes aveugles ou malvoyantes des logiciels utilisés par les enseignants et agents administratifs et sociaux de l’Éducation nationale, les élèves et leurs parents. Il a aussi enjoint à l’Arcom d’examiner les conditions de mise en œuvre des pouvoirs qu’elle tient de l’article 47-1 de la loi du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées en ce qui concerne le logiciel Pronote et ses applications, dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent jugement.
Le 6 décembre 2021, l’association avait demandé à la secrétaire d’État chargée des Personnes handicapées d’appliquer la procédure prévue au IV de l’article 47 de la loi du 11 février 2005 concernant le logiciel Pronote et ses applications web et mobile, de la société Index Education. Ils constituent un outil de gestion de la vie scolaire alors que certaines fonctionnalités restent non accessibles aux personnes aveugles ou malvoyantes, comme la sélection du nom d’un professeur pour un parent qui veut lui écrire sur la messagerie, ou le décryptage d’un pictogramme de couleur pour un travailleur social qui souhaite vérifier l’absence d’un élève. Le silence de la secrétaire d’Etat sur cette demande constituant une décision implicite de rejet, l’ApiDV a introduit un recours en annulation.
Le tribunal rappelle que Pronote est l’interface entre environ 10 000 établissements scolaires, et les parents, élèves et enseignants, donc un service de communication au public en ligne de ces établissements publics. Par conséquent, l’Etat devait respecter la procédure prévue par le deuxième alinéa du IV de cet article et par l’article 8 du décret n° 2019-768 du 24 juillet 2019 à l’encontre des établissements utilisateurs de Pronote et le rendre accessible. Aussi sur la page d’accueil de l’application aurait dû figurer une mention clairement visible précisant si l’application est ou non conforme aux règles relatives à l’accessibilité.

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