Validation de la campagne de pub d’une e-pharmacie néerlandaise en France

Les sites de vente de pharmacie en ligne de l’Union européenne peuvent faire de la publicité pour la vente de médicaments non soumis à prescription médicale à destination d’un public français, a jugé la cour d’appel de Paris. Dans un arrêt du 17 septembre 2021, la cour a estimé que l’article L. 5121-5 du code la santé publique qui subordonne la commande sur internet de médicaments sans prescription aux réponses à un questionnaire personnel de santé n’est pas opposable dans la mesure où il n’a pas été notifié à la Commission européenne, comme l’impose la directive de 2000 relative au commerce électronique. Il n’était donc pas possible de bénéficier du droit des Etats membres de prévoir des règles dérogatoires à celles relative à la liberté de commerce électronique du médicament sans prescription.
En 2015, Shop-pharmacie.fr avait lancé une campagne publicitaire de grande envergure, à destination du public français, sur son activité de vente de médicaments en ligne sans ordonnance, par l’insertion de prospectus dans plusieurs millions de colis expédiés par des acteurs de la vente en ligne comme Zalando, La Redoute ou Showroomprivé, l’envoi de colis postaux, des offres promotionnelles sur internet. Cette campagne avait été dénoncée notamment par l’Union des groupements de pharmaciens et l’Association française des pharmaciens en ligne. Par un jugement du 11 juillet 2017, le tribunal de commerce de Paris a conclu que le site néerlandais de la société Shop-Apotheke BV, Shop-pharmacie.fr, avait commis des actes de concurrence déloyale en ne respectant pas la réglementation française. Le site néerlandais a fait un recours devant la cour d’appel de Paris qui a saisi, à titre préjudiciel, la Cour de justice de l’UE. Par un arrêt du 1er octobre 2020, elle a considéré que la directive « commerce électronique » ne s’oppose pas à ce qu’un Etat membre prenne des mesures dérogatoires en matière de vente ou de publicité en ligne de médicaments sans ordonnance, notamment en imposant l’insertion d’un questionnaire de santé. Mais le site néerlandais a invoqué l’absence de notification de cette dérogation par l’Etat français à Bruxelles, argument qui a été validé par la cour d’appel.

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L’employeur ne peut pas utiliser une conversation sur Messenger d’une salariée

Le conseil des prud’hommes de Meaux a jugé que la société Euro Disney Associés avait porté atteinte à la vie privée de sa salariée en consultant, extrayant et produisant en justice une conversation électronique de Messenger, la messagerie instantanée de Facebook, non protégée par un mot de passe, alors que la salariée n’avait pas autorisé cet accès à son employeur et que celui-ci ne justifiait d’aucun motif impérieux. Dans son jugement de départage du 23 juillet 2021, le conseil a donc estimé que le licenciement, basé sur la production de ces messages, était dépourvu de cause réelle et sérieuse. Euro Disney Associés est condamné à lui verser près de 43 000 €, soit 15 mois de salaire, pour ce licenciement sans cause réelle et sérieuse et 2 000 € pour atteinte à la vie privée.
Une salariée, en arrêt maladie, avait transmis à son employeur, à sa demande, le mot de passe de son ordinateur professionnel, uniquement pour lui permettre de récupérer et transférer des documents de nature professionnelle. Deux collègues avaient accédé à son poste de travail via le réseau de l’entreprise, pour récupérer des documents, et avaient, à cette occasion, découvert qu’une conversation sur Messenger était ouverte. Ils ont pu constater l’existence d’échanges répétés avec d’autres collègues de travail qui tenaient « des propos dégradants insultants voire discriminants sur d’autres collègues ou le management ». Ces échanges ont été rapportés à la direction, qui a licencié une des salariés qui participait à cette conversation. Cette dernière a toutefois assigné son employeur en justice, remettant en cause la loyauté de la preuve dont l’obtention résulterait d’une violation de sa vie privée.
Le conseil rappelle la présomption du caractère professionnel des courriels adressés par le salarié à l’aide de l’outil informatique de l’employeur. Toutefois, s’agissant des messages reçus par un salarié sur sa messagerie personnelle, ceux-ci ne peuvent pas être produits en justice sans porter atteinte au secret des correspondances. Les juges consulaires ont rappelé que peu importait que la fenêtre de discussion soit apparue spontanément dès lors qu’il n’est pas démontré que cet affichage résulte d’un acte volontaire du titulaire du compte.

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La marque semi-figurative vente-privee validée en appel

Par un arrêt du 17 septembre 2021, la cour d’appel de Paris a infirmé le jugement du TGI de Paris qui avait annulé la marque semi-figurative « vente-privee » avec un dessin de papillon, estimant qu’elle avait fait l’objet d’un dépôt frauduleux. La cour d’appel a au contraire considéré que « la société appelante avait un intérêt légitime à déposer la marque en cause afin de préserver ses droits en raison de l’usage continu qu’elle faisait du signe complexe en cause pour identifier les services qu’elle fournit et n’a pas procédé à ce dépôt pour nuire à un concurrent en le privant d’un signe nécessaire à son activité, étant relevé que le caractère distinctif de la marque en cause est conféré par le signe figuratif pris dans son ensemble et n’interdit pas aux concurrents d’utiliser l’expression “vente privée” dans son sens usuel, les mises en demeure dont se prévaut la société Showroomprivé.com portant sur l’usage de l’expression “vente-privée.com” à titre “d’adwords” et non destinées à interdire l’usage dans son sens courant de l’expression “vente privée” au singulier ou au pluriel ». La cour a donc jugé que la mauvaise foi de la déposante n’était pas démontrée. Elle a condamné la société Showroomprive.com à verser à la société Vente-privee.com 30 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Showroomprive.com avait fait assigner son concurrent vente-privee.com pour demander l’annulation de la marque semi-figurative « vente-privee » associée à un dessin de papillon, déposée en 2013. Elle avait fait valoir l’absence de caractère distinctif de la marque, du fait qu’en 2013 cette expression était usuelle pour désigner des événements de ventes de biens de marque en déstockage, d’une durée limitée et s’adressant à un public restreint et invité. Dans son jugement du 3 octobre 2019, le tribunal avait admis que l’expression « vente privée » était usuelle et générique de l’activité désignée dans la classe 35 et que le papillon de faible dimension était exclusivement décoratif. Il avait toutefois reconnu que la marque avait acquis un caractère distinctif par l’usage. Il avait toutefois jugé que le dépôt avait été frauduleux car la société Vente-privée.com ne pouvait s’approprier ces termes génériques, ce que la cour d’appel a remis en cause. Elle a également infirmé le jugement sur le défaut de distinctivité de cette marque semi-figurative, estimant que « l’association de l’expression “vente-privee” et de la représentation d’un papillon de couleur rose sera perçue par le public comme apte à identifier les services précités comme provenant d’une entreprise déterminée et donc à distinguer ces services de ceux d’autres entreprises ».

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Yuka condamnée pour pratiques commerciales trompeuses et dénigrement

Après le tribunal de commerce de Paris, le tribunal de commerce d’Aix-en-Provence a condamné l’application mobile Yuka pour pratiques commerciales trompeuses et dénigrement à l’égard d’un acteur de la charcuterie. Par un jugement du 13 septembre 2021, Yuka doit verser 25 000 € de dommages-intérêts à ABC Industrie, spécialisée dans la fabrication de jambons cuits, pour avoir indûment classé ses produits dans la catégorie « mauvais » en raison de la présence de nitrites et les avoir évalués « à risque élevé ». Par ailleurs, le tribunal ordonne à Yuka de ne plus diffuser de contenus trompeurs ou dénigrants sur les jambons d’ABC, au regard de la base scientifique factuelle, sous astreinte de 1 000 € par jour de retard. Il lui est aussi ordonné de ne plus établir de lien entre une pétition contre les nitrites et les produits d’ABC. Enfin, le tribunal lui demande de modifier certaines informations sur son application relatives à l’additif E250, de supprimer l’appréciation « risque élevé » attribué à cet additif ainsi que les mentions, comme quoi il serait cancérogène.
Yuka est une application mobile dont le but est d’informer le consommateur sur les produits alimentaires, entre autres. Après avoir scanné le code barre du produit, l’algorithme de Yuka lui attribue une note de 0 à 100 et un commentaire : excellent, bon, médiocre ou mauvais. Il se base sur trois critères : la qualité nutritionnelle (60 % de la note), la présence d’additifs et leur nature (30 % de la note) et la dimension bio (10 % de la note). En présence de nitrites, le consommateur est invité à signer une pétition « agir pour l’interdiction des nitrites ajoutés ». ABC qui contestait les fondements de sa notation a assigné Yuka devant le tribunal d’Aix-en-Provence et a obtenu gain de cause sur ses demandes.
Le tribunal a d’abord reconnu que Yuka avait exercé des pratiques commerciales trompeuses au sens de l’article L. 121 du code la consommation. Il lui a reproché de ne pas avoir pris en compte tous les avis scientifiques sur les nitrites dont certains sont contraires aux opinions de nocivité. Yuka n’a donc pas respecté les exigences professionnelles que le consommateur est en droit d’attendre. Yuka dont le nombre d’utilisateurs est évalué à 24,5 millions est susceptible d’avoir un impact sur les ventes. Le tribunal rappelle en effet que cette application est en mesure d’altérer le comportement des consommateurs, eu égard aux affirmations de Yuka qui prétend que 94 % d’entre eux arrêtent d’acheter un produit et 92 % se réfèrent à la note rouge. Le tribunal a par ailleurs estimé que Yuka avait commis des actes de dénigrement en délivrant une information de nature à jeter un discrédit sur les produits d’ABC, ne reposant pas sur une base factuelle suffisante et qui n’était pas présentée avec la mesure requise. De plus, l’application ne donne pas les moyens à l’industriel d’exercer un droit de réponse, pour défendre ses opinions et produits.
Par un jugement du 25 mai 2021, le tribunal de commerce de Paris a condamné l’application Yuka à indemniser la Fédération des entreprises françaises de charcuterie traiteur (FICT) pour dénigrement et pratiques commerciales déloyales et trompeuses. Elle doit lui verser 20 000 € à titre de dommages-intérêts.

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Rançongiciel : pas de réparation du préjudice d’anxiété pour une personne morale

L’auteur d’un rançongiciel qui avait été condamné à 10 000 € d’amende et à six mois d’emprisonnement avec sursis a vu infirmée sa condamnation à verser plus de 325 000 € de dommages-intérêts à la société victime. Dans son arrêt du 30 juin 2021, la cour d’appel de Versailles a d’abord rejeté les demandes de réparation du préjudice moral de la société victime. Elle ne conteste pas le principe de la réparation du préjudice moral d’une personne morale. Cependant, elle rejette le principe de la réparation d’un préjudice d’affectation, notamment la réparation de l’anxiété provoquée par la demande de rançon, en rappelant qu’elle ne bénéficie qu’aux personnes physiques et non aux personnes morales. Sa demande aurait été acceptée si elle avait porté sur la dégradation concrète de sa réputation ou de son image auprès de ses clients, caractérisée par une quelconque diffusion dans les médias des faits dont elle avait été victime, portant atteinte à son activité et à son image ou par un détournement de clientèle. Quant au préjudice financier, la cour rejette les demandes de la société victime faute de preuves de la prise en charge financière des frais par la société.
Le 31 décembre 2018, la société Enablon recevait un courriel anonyme en anglais lui demandant le paiement d’une rançon d’un million d’euros sur différents comptes bitcoins, en apportait la preuve de la possession de données confidentielles de la société : comptes bancaires, liste de contacts, documents et extraits du code source de l’application principale de la société. Le paiement de la rançon devait être effectué avant le 15 janvier 2019, à défaut de quoi le pirate adresserait des spams aux partenaires, aux employés, aux concurrents avec toutes les données confidentielles en sa possession. Enablon a tout de suite réagi en notifiant l’atteinte aux données personnelles auprès de la Cnil, et a présenté des requêtes au tribunal afin d’identifier l’auteur de cette action. Cette mesure a permis d’identifier un ancien directeur technique de l’entreprise, de 2005 à 2015, dont les fonctions avaient pris fin suite à une rupture conventionnelle. Par ailleurs, une analyse du disque dur que cet employé utilisait lorsqu’il travaillait pour la société, avait démontré qu’un appareil nommé « Ianstarsolo » avait déjà été connecté à ce poste de travail, ce qui permettait de faire un lien entre cet ex-directeur technique et le rançonneur. Enablon a déposé plainte et le prévenu placé en garde à vue a reconnu l’ensemble des faits qui lui étaient reprochés.
Le décembre 2019, le tribunal correctionnel de Nanterre l’a condamné à six mois d’emprisonnement avec sursis et une amende de délictuelle de 10 000 € pour avoir accédé et s’être maintenu dans le système de traitement de données de son ancien employeur, pour avoir frauduleusement extrait des données et pour avoir tenté de commettre une extorsion de fonds. Par un jugement du 17 janvier 2020, le tribunal correctionnel statuant sur les intérêts civils l’a condamné à verser 10 000 € au titre du préjudice moral et 315 930 € au titre du préjudice matériel subi. Cette dernière somme comprenait 30 096 € de remboursement des frais et honoraires au titre des diligences liées à la procédure auprès de la Cnil, 27 300 € en remboursement de frais et honoraires au titre de la communication de crise, 53 393 € au titre des honoraires et frais liés à la recherche de preuves techniques et 205 139 € au titre des honoraires et des frais juridiques et de management. L’auteur du ransomware a fait appel de cette dernière décision portant sur les intérêts civils. Après avoir rejeté les demandes relatives au préjudice moral, la cour d’appel a remis en cause le jugement quant au préjudice financier. Le préjudice invoqué portait sur les frais engendrés par la demande de rançon et notamment les frais d’avocat. Mais la cour a considéré qu’Enablon n’avait pas apporté la preuve qu’elle avait supporté elle-même ces frais. Par ailleurs, les éléments justificatifs produits sont, selon la cour, insuffisants à établir la réalité du paiement allégué en l’absence d’éléments extrinsèques probants tel que le journal des achats portant des enregistrements des factures, les éléments de la banque portant le paiement des factures, etc.
L’arrêt a fait l’objet d’un pourvoi en cassation.

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Fraude sur des numéros surtaxés : suspension des reversements

Quand des numéros de téléphone surtaxés font l’objet de trafic anormal en raison de fraudes, c’est tout le circuit de financement du système de reversement qui est impacté : de l’opérateur de la boucle locale qui facture son abonné à l’origine de l’appel, à l’opérateur procurant ses numéros à un fournisseur de services qui les loue à un éditeur de services. Par un arrêt du 11 juin 2021, la cour d’appel de Paris, s’appuyant sur le contrat, a approuvé le refus de SFR de payer à Eway Télécom, un fournisseur de services de téléphonie, les factures de reversement de sommes qu’elle n’avait pas elle-même perçues, en raison de fraudes. Eway réclamait le paiement des reversements calculés sur des relevés de trafic téléphonique, qu’il avait lui-même payés par anticipation à son propre client à qui il louait des numéros surtaxés 0899. Or, une partie de ce trafic s’est révélé frauduleux et les opérateurs de boucle locale ont bloqué tout versement auprès de SFR, ce qui excluait tout reversement de la part de l’opérateur à Eway.
Un éditeur de services avait conclu un contrat de location de numéros surtaxés à Eway Télécom qui avait conclu un contrat avec Neuf Cegetel (depuis SFR) pour commercialiser ces numéros. Ce dernier contrat prévoyait que SFR reverse une partie des sommes facturées aux appelants pour chaque appel émis à partir de ces numéros. En avril 2015, SFR indiquait à Eway qu’il avait constaté un trafic anormal, susceptible d’être frauduleux, provenant des numéros loués. Comme il était prévu contractuellement, Eway a mis en place un mécanisme de contrôle interne des fraudes limitant le nombre d’appels par jour à 50. Quinze jours après, SFR signalait à nouveau un trafic anormal sur ces numéros spéciaux. Et Eway répondait qu’il réajustait son contrôle. Suite à ces événements, SFR annonçait toutefois à Eway qu’elle procèderait au blocage des reversements, comme prévu dans le contrat en cas de trafic anormal dû à des fraudes. A titre conservatoire, Eway a suspendu la location des numéros spéciaux en litige de son client. Suite à ces mesures, l’éditeur de services dont les numéros ont été bloqués a mis en demeure Eway de lui payer plus de 55 000 € correspondant au reversement indu en raison des impayés de SFR, des factures d‘abonnement et de consommations non réglées. A son tour, Eway a mis en demeure SFR de rembourser les sommes impayées en raison de fraudes qu’il n’estimait pas démontrées. En janvier 2016, Eway a assigné SFR, pour obtenir le paiement des sommes retenues, et son client à qui il a loué les numéros spéciaux pour le remboursement des sommes versées indûment.
La cour a estimé que les montants réclamés par SFR étaient étayés par la liste des communications impayées liées à la distribution d’un trafic anormal dont Eway a été informé par SFR et auxquels il a immédiatement répondu par des mesures de contrôle. SFR est donc fondé à retenir les reversements correspondant au trafic impayé signalé par les opérateurs de boucle locale. Toutefois, précise la cour, il lui appartenait d’établir la liste des communications causant un trafic anormal ainsi que le montant des impayés correspondant. Or, sur le total des reversements retenus par SFR, tous ne sont pas étayés. Par conséquent, la cour d’appel fait partiellement droit aux demandes d’Eway et condamne SFR à lui verser plus de 25 000 €. Concernant la restitution des sommes remises par Eway à son client éditeur de services, la cour a estimé qu’Eway était fondé à suspendre ses services, dans la mesure où la preuve de la fraude avait été rapportée. Elle conclut qu’« en n’ayant pas pris les mesures pour remédier à l’utilisation anormale du trafic de communications qui lui a été signalée par EWAY dès le 29 juin 2015 sur les numéros appelés, [l’éditeur de services ] a donc manqué à l’exécution de ses obligations contractuelles et cette inexécution est suffisamment grave pour justifier, sur infirmation, le prononcé de la résiliation judiciaire des contrats à la date du 5 août 2015 ». Il est condamné à verser près de 34 000 € à Eway correspondant à la perte des reversements de SFR.

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Condamnation pour extraction substantielle d’une base de données

Par un jugement très motivé du 8 juillet 2021, le tribunal judiciaire de Paris a condamné l’éditeur du site Leparking.fr pour avoir extrait et réutilisé une partie quantitativement substantielle du contenu de la base de données du site d’annonces de véhicules d’occasion Lacentrale.fr. Le tribunal a estimé qu’il avait ainsi porté atteinte aux droits du producteur de bases de données, la société Groupe La Centrale, et qu’il devait lui verser 50 000 € de dommages-intérêts. Il lui est, par ailleurs, fait interdiction de procéder à toute extraction ou réutilisation d’une partie substantielle de la base de données de Lacentrale.fr, sous astreinte de 1 000 € par jour de retard à exécuter cette décision.
Lacentrale.fr reprochait à Leparking.fr, un moteur de recherche qui référence les annonces publiques de ventes d’automobiles, d’extraire et de réutiliser de manière substantielle sa base de données. Pour l’établir, il a fait dresser un constat d’huissier qui montre que le 1er août 2018, Leparking.fr reprenait les informations contenues dans 346.030 annonces publiées sur le site Lacentrale.fr, alors qu’au mois de décembre 2018, ce site recensait entre 324 748 et 355 189 annonces. Avant de considérer qu’il y a eu une atteinte au droit sui generis du producteur, le tribunal a commencé par vérifier que Lacentrale.fr avait bien la qualité de producteur au sens de l’article L. 341-1 du CPI. Il a jugé que la preuve avait été rapportée d’investissements substantiels, du point de vue tant qualitatif (présentation d’annonces finalisées, pratiques, complètes et vérifiées) que quantitatif (en raison du nombre très important d’annonces) pour l’obtention, la vérification et la présentation du contenu de sa base de données. Lacentrale.fr justifie en effet d’investissements à la fois financiers et humains notamment pour le développement d’un système de dépôt d’annonces, la conclusion de contrats de fourniture de services informatiques, la création de moyens de contrôle de l’exactitude des éléments des annonces transmises par le public afin d’assurer la fiabilité de l’information.
Le tribunal a ensuite déterminé s’il y avait extraction et réutilisation substantielle des données de la base. Il note que Leparking.fr centralise des annonces diffusées par des tiers par aspiration via des robots et constate qu’il diffuse la quasi-totalité des annonces de Lacentrale.fr. « Un tel comportement d’appropriation massive de données est de nature à remettre en cause les investissements substantiels, en termes de moyens humains, techniques et/ou financiers, consentis par la société Groupe La Centrale à l’obtention, à la vérification ou à la présentation du contenu de sa base de données », estime le tribunal qui conclut à l’atteinte aux droits du producteur.

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Une transaction amiable ne vaut pas reconnaissance de responsabilité

Une transaction amiable intervenue entre un prestataire informatique et son client ne constitue pas ipso facto une preuve suffisante que le prestataire aurait commis une faute à l’égard de son client, a rappelé le tribunal de commerce de Créteil dans un jugement du 6 juillet 2021. Le tribunal a donc débouté le tiers-victime, dirigeant de la société cliente, de sa demande de réparation du non versement de sa rémunération en raison de l’échec du développement du site de sa société. Il ne démontre pas la faute commise par le co-contractant, ni le dommage ou le lien de causalité entre la faute et le dommage. Comme le rappelle le tribunal, ces trois conditions sont impératives pour constituer un préjudice, au sens de l’article 1240 du code civil.
La société Booktrip qui commercialise des séjours touristiques a conclu un contrat de prestation informatique avec la société CFD Technologies pour développer son site internet. Mais CFD a pris du retard et le site s’est avéré inexploitable. Booktrip a donc fait appel à une autre société pour redévelopper le site. Finalement un accord amiable est intervenu entre les deux parties incluant une clause de confidentialité. Toutefois le dirigeant de Booktrip, très investi dans le projet, a néanmoins assigné CFD en réparation de son préjudice consistant en l’absence de rémunération qu’il aurait dû percevoir de Booktrip pendant la première année d’exploitation. Il soutient qu’il aurait dû recevoir 36 000 € mais le tribunal constate qu’il ne produit aucun élément de preuve sur le fait que cette rémunération ait été convenue ni sur son montant. Quant au versement d’une indemnité transactionnelle, le tribunal rappelle qu’elle ne vaut pas reconnaissance de responsabilité. Sur la faute, il n’établit pas non plus que les retards d’exécution du logiciel commandé seraient imputables à des manquements techniques de CFD ni à son absence d’implication dans le projet. Enfin, le dirigeant n’apporte pas la preuve que l’absence de versement des 36 000 € par Booktrip serait à chercher dans le retard du développement du site donc dans les manquements allégués de CFD envers Booktrip et non d’autres éléments de l’exploitation ou la gestion de Booktrip.

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Condamnation pour cyberharcèlement

Par un jugement du 29 juin 2021, la 17e chambre correctionnelle du tribunal judiciaire de Paris a condamné un homme pour cyberharcèlement à 5 000 € d’amende avec sursis. Il doit, en outre, verser 5 000 € de dommages-intérêts à la victime ainsi que 3 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile. Le tribunal a constaté un lien de causalité entre l’avalanche de messages reçus et la dégradation des conditions de santé psychique de la victime. En effet, l’article 222-33-2-2 du code pénal punit le fait de harceler une personne par des propos ou comportements répétés ayant pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de vie se traduisant par une altération de sa santé physique ou mentale. Les peines prévues sont de 15 000 € d’amende ou un an d’emprisonnement et la peine est doublée lorsque ces faits ont été commis par l’utilisation d’un service de communication au public en ligne.
Cette affaire s’inscrit dans un contexte assez banal d’infidélité dans un couple. Une femme vivait depuis cinq ans en concubinage avec un homme qui a connu une liaison fugace et clandestine avec une autre femme. Par la suite, la femme en couple a reçu sur son compte Instagram d’un compte intitulé Émilie Paris1 des messages lui apprenant qu’elle avait était été trompée. Dans le même temps, ces informations étaient partagées publiquement avec des captures d’écran de SMS intimes échangés entre elle et son concubin. Elle a également reçu des messages électroniques de la même teneur à partir d’une adresse électronique Émilie Paris1. Elle a déposé plainte sans qu’aucune suite n’ait été donnée à son affaire mais elle a quand même obtenu la suppression par Instagram des messages provenant du compte incriminé. Quelques temps après, elle recevait d’un compte Facebook au nom de X des messages dans lesquels l’homme en question s’accusait des faits qu’elle subissait. Elle a obtenu sur requête les identifiants de connexion de l’utilisateur de l’adresse électronique en question qui s’avérait correspondre à la même personne que le titulaire du compte Facebook. Monsieur X a reconnu avoir envoyé ces messages multiples via Instagram et via la messagerie électronique. Il avait été en couple avec la maîtresse du partenaire de la victime et n’avait pas supporté leur séparation. Il voyait dans le couple de la victime la cause du délitement de son union. La femme cyberharcelée a fait l’objet d’une dépression pendant six mois, en raison de l’assaut de ces messages.

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Presse : le TJ de Paris fait primer le droit d’informer à celui des données personnelles

« Le droit à la protection des données personnelles ne peut en effet être interprété comme un droit à faire disparaître à première demande des contenus médiatiques publiés sur internet, indépendamment d’un abus de la liberté d’expression et des règles de procédure destinées à protéger cette liberté fondamentale, dans la mesure où ils constituent un vivier d’informations à disposition des internautes devant pouvoir faire des recherches y compris sur des évènements passés », estime le tribunal judiciaire dans un jugement du 30 juin 2021. En conséquence, il a jugé que le droit à l’oubli ne pouvait pas empêcher le journal 20 Minutes de diffuser un article rapportant une condamnation pénale vieille de plus de 10 ans d’un ex-responsable d’un club sportif. Il a ainsi débouté les demandes de ce dernier de suppression et d’anonymisation de l’article fondées sur le droit à l’effacement des données personnelles et à l’opposition à leur traitement.
En 2009, le journal 20 Minutes avait publié sur son site internet un article concernant la condamnation d’un ancien responsable du Racing Club de Paris pour abus de confiance et abus de bien sociaux par le tribunal correctionnel de Nanterre, décision partiellement infirmée en 2011. En 2019, la personne concernée a mis en demeure le journal de supprimer l’article, ou à tout le moins de l’anonymiser pour qu’il ne soit plus indexé par les moteurs de recherche, se fondant sur le droit au déréférencement et le droit d’opposition figurant dans le RGPD. Le quotidien a mis à jour son article, mais a refusé de retirer l’article ou de l’anonymiser. N’ayant pas donné suite aux demandes réitérées de l’ex-responsable du club, il a été assigné en justice.
Le tribunal a procédé à la mise en balance du droit à la protection des données personnelles et des autres droits fondamentaux pour faire primer le droit à l’information. Il rappelle que pour l’article 17 concernant le droit au déréférencement ou « droit à l’oubli » et l’article 21 relatif au droit d’opposition du RGPD, les éditeurs de presse bénéficient d’un régime dérogatoire prenant en compte le caractère essentiel de leur activité pour la préservation de la liberté d’expression et d’information. L’activité de presse n’est pas assimilable à celle d’un moteur de recherche, qui est de publier de l’information et non de la repérer, rappelle le tribunal. Ainsi les principes de droit à l’oubli interprétés par la CJUE dans l’affaire Google Spain ou par la Cour de cassation ne peuvent pas s’appliquer en l’espèce. Et concernant la demande d’anonymisation de l’article, le tribunal estime que cette mesure « serait de nature, compte tenu de son objet étroitement lié à la condamnation et aux circonstances de son prononcé, à faire perdre pour le public tout intérêt à l’article en cause, et excéderait dès lors les restrictions pouvant être apportées à la liberté de la presse ». Quant à l’objection du caractère ancien de l’information, le tribunal explique qu’en « mettant en ligne leurs archives via un site internet permettant la consultation d’articles plus anciens, est aussi de participer à la formation de l’opinion démocratique et de permettre au public, à cette fin, d’être informé non seulement des évènements d’actualité, mais aussi d’informations plus anciennes conservant une pertinence au regard du sujet d’intérêt général évoqué dans l’article en cause, tel que cela a déjà été indiqué ». Il en conclut que « l’article ne constitue pas, contrairement à ce que soutient le demandeur, une atteinte disproportionnée au droit au respect de sa vie privée qui serait de nature à remettre en cause ce constat dès lors d’une part que la condamnation pénale évoquée dans l’article a déjà été prononcée en audience publique et a fait l’objet de divers articles de presse, ce qui est de nature à relativiser l’atteinte éventuellement portée par son rappel dans l’article, qu’il n’est d’autre part pas justifié d’une diffusion importante dudit article. »

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