Trois millions d’euros pour contrefaçon des codes sources d’un logiciel

Quitter une entreprise, reproduire et utiliser les codes sources de ses logiciels pour la concurrencer peut rapporter gros mais peut aussi coûter très cher. Par un jugement du 23 septembre 2021, le tribunal judiciaire de Marseille a condamné à plus de trois millions d’euros une société, son fondateur et des salariés pour contrefaçon par reproduction non autorisée de codes sources : soit plus deux millions d’euros de dommages-intérêts au titre du manque à gagner, 814 000 € au titre des économies réalisées notamment en R&D et 50 000 € en réparation du préjudice moral par la dévalorisation de son savoir-faire et la banalisation de son oeuvre. La société est en outre condamnée à verser 30 000 € au titre de la concurrence déloyale, notamment pour le débauchage massif de neuf salariés. Enfin, le tribunal ordonne la cessation de toute reproduction et utilisation des sources en cause, toutes versions confondues, mais aussi leur suppression ainsi que la désinstallation du progiciel de l’ensemble des serveurs et postes informatiques locaux et distants, sous astreinte de 1 000 € par jour de retard, pendant un délai maximal de deux ans.
La société Generix, qui a absorbé la société Infolog, avait développé un logiciel pour la gestion des entrepôts, plus particulièrement ceux de la grande distribution. Le responsable du support solutions d’Infolog avait quitté cette société pour créer ASCEP, avec la même activité que son ex-employeur. Depuis, plusieurs clients de Generix avaient cessé leur collaboration pour se tourner vers l’ASCEP. Puis, on avait rapporté à Generix que le nouveau concurrent était en possession de ses codes sources. Des analyses internes et deux rapports techniques privés diligentés par Generix ont confirmé l’identité entre les codes sources des logiciels exploités par les deux sociétés. Après un constat d’huissier, assisté d’un expert informatique, Generix a assigné en justice l’ASCEP, son fondateur et deux anciens salariés de Generix pour contrefaçon et concurrence déloyale.
Avant de se prononcer sur la contrefaçon, le tribunal a d’abord identifié l’œuvre en cause et le titulaire des droits en se fondant sur les certificats de dépôts de l’Agence pour la protection des programmes (APP). Ensuite, les juges ont vérifié l’originalité du logiciel, sans quoi il ne peut pas y avoir de droits, en pointant les différents choix qui avaient été opérés. Puis, il a analysé les faits qui permettent de déterminer la contrefaçon. Il s’est d’abord basé sur des échanges de courriers électroniques entre le créateur de l’ASCEP et un ancien salarié d’Infolog par lesquels les codes sources ont été transférés. Par ailleurs, un rapport d’analyse technique montre que les codes sources détenus par l’ASCEP sont identiques à 2% près à ceux déposés par Generix à l’APP. Generix n’ayant pas délivré d’autorisation à l’ASCEP, la contrefaçon est établie.