Rançongiciel : Telegram doit communiquer les données d’identification

Par une ordonnance de référé du 12 novembre 2024, le tribunal judiciaire de Paris a ordonné « à la société Telegram messenger inc de communiquer aux sociétés Free et Free mobile, pour les besoins des poursuites pénales, dans un délai de 48 heures à compter de la signification de la présente ordonnance, toutes les données d’identification de la personne qui a créé le compte de la messagerie ayant permis d’envoyer le message litigieux à M. [J], ce compte apparaissant sous les identités « [Z] [L] » et « [Courriel 1] » et qui a envoyé le message destiné à M. [J] sous l’identité « [Z] [L] », notamment : Le numéro de téléphone de cette personne, La ou les adresses IP qui ont pu être recueillies lors de la création du compte Telegram et de l’envoi de ce message, ainsi que les ports-source desdites adresses IP, Toutes informations utiles à l’identification de la personne recherchée, telles que prévues par les dispositions des articles L. 34-1 et R. 10-13 du code des postes et communications électroniques, Toutes informations disponibles dans ce contexte légal, et qui pourraient se rapporter à tout autre nouveau compte ou fonctionnalité de messagerie Telegram qui seraient utilisés par le pirate »
Free s’était vu proposer, via un message envoyé sur Telegram, une demande de rançon de 10 millions d’euros sous peine de diffuser ou d’exploiter les 19 millions de clients et 5 millions de RIB dérobés en octobre dernier. Au lieu de payer la rançon, Free a fait assigner la société Telegram devant le juge des référés afin qu’elle communique tous les éléments permettant d’identifier le maître chanteur.
Le tribunal a rappelé que l’obtention de telles mesures est subordonnée à plusieurs conditions : l’absence de procès devant le juge du fond, l’existence d’un motif légitime, l’intérêt probatoire du demandeur -apprécié notamment au regard de la mesure sollicitée et des intérêts du défendeur- et la nature légalement admissible de la mesure demandée. Le tribunal constate d’abord qu’aucune procédure au fond n’est en cours et que Free a déposé plainte le 25 octobre 2024 auprès du procureur de la République. Il existe donc bien à ce stade de la procédure un procès pénal en germe. Free justifie ainsi d’un intérêt légitime à obtenir les éléments d’identification en vue d’engager une action au fond contre le ou les auteurs des infractions subies. Sur la nature légalement admissible des mesures sollicitées, le tribunal relève que les faits dénoncés par Free sont susceptibles de constituer les infractions d’accès et de maintien frauduleux dans un système de traitement automatisé de données, d’extraction et de détention frauduleuses de données contenues dans un système de traitement et de tentative d’escroquerie. « Il s’agit de faits pour lesquels les opérateurs de communication électroniques, tels que la société Telegram messenger inc, sont tenus de conserver les données d’identification pendant une durée de cinq ans et qui justifient la communication des données d’identification dans le cadre prévu par l’article L 34-1 II bis 1° et 2° du code des postes et des télécommunications « pour les besoins des procédures pénales ».
Au vu de ces éléments, le tribunal décide en conséquence de faire droit à la demande de Free, « cette mesure étant proportionnée et adaptée à l’objectif poursuivi par les sociétés défenderesses, ce aux fins exclusives de poursuites engagées contre les auteurs présumés d’infractions pénales, dont le droit à la protection des données cède ici légitimement face au droit au respect de la vie privée des abonnés Free et Free mobile dont les données personnelles et bancaires ont été détournées ».