Messages privés : licenciement sans cause réelle et sérieuse

Une conversation privée sur Messenger qui n’était pas destinée à être rendue publique ne peut constituer un manquement d’une salariée aux obligations découlant du contrat de travail. En conséquence, le licenciement prononcé pour motif disciplinaire ne peut être justifié. Dans un arrêt du 21 novembre 2024, la cour d’appel de Paris confirme ainsi le jugement rendu le 23 juillet 2021du conseil des prud’hommes de Meaux qui avait jugé que la rupture du contrat de travail devait s’analyser comme un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
A l’occasion de l’absence d’une salariée, son employeur lui avait demandé de communiquer ses identifiants afin que ses collègues puissent accéder à ses documents professionnels pour les partager sur le réseau. Après avoir entré les identifiants et cliqué sur le volet « safari » permettant le transfert de fichiers, la direction affirme que la session Facebook de la salariée s’est ouverte automatiquement affichant ainsi les échanges de messages sur Messenger d’autres salariés. Parmi eux figuraient ceux d’une collègue dont les propos ont été considérés par l’employeur comme dégradants, insultants humiliants voire discriminants envers d’autres collègues ou le management et ont motivé son licenciement.
Pour la direction, le fait que la conversation Facebook se soit ouverte dès l’accès à l’ordinateur professionnel lui retire tout caractère privé. La cour d’appel désapprouve ce raisonnement en s’appuyant sur un arrêt de la Cour de cassation du 22 décembre 2023 qui avait retenu qu’une conversation privée qui n’était pas destinée à être rendue publique ne pouvait pas constituer un manquement du salarié aux obligations découlant du contrat de travail, et donc justifier un licenciement, prononcé pour motif disciplinaire. En conséquence, le fait que la salariée ait communiqué ses identifiants afin de permettre l’accès à son ordinateur professionnel et qu’à cette occasion les échanges Facebook aient été découverts ne saurait, contrairement à ce que soutient l’employeur, leur conférer un caractère public.
Il résulte des articles L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail, qu’un motif tiré de la vie personnelle du salarié ne peut justifier, en principe, un licenciement disciplinaire, sauf s’il constitue un manquement de l’intéressé à une obligation découlant de son contrat de travail. La cour d’appel en conclut que « l’employeur qui a utilisé le contenu des messages personnels émis par la salariée et reçus par une autre salariée grâce à un outil informatique mis à sa disposition pour son travail a porté atteinte à la vie privée de la salariée et lui a causé un préjudice ». Elle confirme le jugement du conseil des prud’hommes et la condamnation à verser 2 000 € de dommages-intérêts et 2 000 € au titre de l’article 700 du CPC pour les frais engagés.