Pas d’action en contrefaçon pour le non-respect d’une licence de logiciel
Par un arrêt du 19 mars 2021, la cour d’appel de Paris confirme le jugement du 21 septembre 2019 du TGI de Paris qui avait conclu qu’une licence portant sur un logiciel libre est un contrat et qu’en conséquence, les manquements à l’une de ses stipulations relèvent du droit de la responsabilité contractuelle. Pour la cour d’appel, « l’action en contrefaçon formée par la société Entr’Ouvert qui agit, en première instance, comme en appel, sur le seul fondement délictuel doit être déclarée irrecevable dès lors que comme indiqué elle se fonde sur le contrat de licence qui lie les parties et se prévaut de la violation des clauses de ce contrat ». Cet arrêt s’inscrit dans le cadre de l’arrêt de la CJUE du 18 décembre 2019 qui conforte le principe de non-cumul des responsabilités contractuelles et extracontractuelles, tout en permettant de faire application des garanties offertes par la directive européenne en matière d’atteinte à un droit de propriété intellectuelle. La cour d’appel rappelle que « lorsque le fait générateur d’une atteinte à un droit de propriété intellectuelle résulte d’un acte de contrefaçon, alors l’action doit être engagée sur le fondement de la responsabilité quasi-délictuelle prévue à l’article L.335-3 du code de la propriété intellectuelle. En revanche lorsque le fait générateur d’une atteinte à un droit de propriété intellectuelle résulte d’un manquement contractuel, le titulaire du droit ayant consenti par contrat à son utilisation sous certaines réserves, alors seule une action en responsabilité contractuelle est recevable par application du principe de non-cumul des responsabilités ».
Fin 2005, Orange avait répondu à un appel d’offre de l’Agence pour le gouvernement de l’administration électronique relatif à la mise en place du portail Mon service public, pour la fourniture d’une solution informatique de gestion d’identité. Orange avait proposé une solution comprenant l’interfaçage d’une plateforme IDMP avec la bibliothèque logicielle Lasso éditée par la société Entr’ouvert, sous licence GNU GPL. Or, cette dernière a estimé qu’Orange n’avait pas respecté les termes de cette licence et l’a assignée en contrefaçon après avoir fait procéder à une saisie-contrefaçon. Entre’ouvert considérait en effet que l’atteinte portée au droit d’auteur relevait du régime de la contrefaçon. Pour le tribunal de Paris, « il apparaît ainsi que la société Entr’ouvert poursuit en réalité la réparation d’un dommage généré par l’inexécution par les sociétés défenderesses d’obligations résultant de la licence et non pas la violation d’une obligation extérieure au contrat de licence ».