Google My Business : rejet la demande de suppression de la fiche d’un dentiste

Après une ordonnance de référé du TGI de Paris du 6 avril 2018 condamnant Google à supprimer une fiche Google My Business et une ordonnance du TGI de Paris du 12 avril 2019 prévoyant le contraire, un jugement très motivé du tribunal judiciaire de Paris du 9 mars 2021 a rejeté la demande d’un dentiste de supprimer sa fiche. Le tribunal considère qu’il n’établit pas que le traitement de sa fiche professionnelle Google My Business est illicite. Le dentiste est condamné à verser 2 500 € à Google LLC et 2 500 € à Google France au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Le 11 septembre 2017, un dentiste a adressé à Google LLC et à Google France une demande de suppression de sa fiche sur Google My Business, de toute fonction permettant d’utiliser ses données personnelles, de le noter et de donner un avis à son sujet, ainsi que de tout avis le concernant. Le 6 octobre 2017, Google lui a notifié sa décision de ne pas faire droit à la suppression de cette fiche et des nouveaux avis, les plus anciens ayant été effectivement supprimés. Le tribunal commence par relever que les données traitées sont incontestablement des données à caractère personnel. Elles ne portent pas sur la sphère privée mais uniquement sur des aspects élémentaires de son activité professionnelle. En l’occurrence, ce sont des données publiques qui figurent sur le site web du dentiste mais aussi dans des annuaires universels des abonnés téléphoniques dont les Pages Jaunes, en outre dans plusieurs annuaires médicaux spécialisés, notamment Doctolib.
Pour le tribunal, la violation alléguée relative à la collecte de ses données n’est pas démontrée. Le tribunal constate par ailleurs que ces données sont nécessairement dans le domaine public dès lors que leur publicité est exigée par la loi, au sein du Répertoire des entreprises et de leurs établissements et du Répertoire partagé des professionnels de santé. Il en conclut que sa fiche professionnelle Google ne porte pas atteinte au droit fondamental à la protection des données à caractère personnel du dentiste. Procédant à la balance des droits, le tribunal ajoute que l’impact éventuel de cette fiche sur la jouissance de ce droit est faible et qu’il ne saurait prévaloir sur la liberté d’expression et d’information de Google et des internautes. Or, les finalités de cette fiche consistent justement dans la mise à disposition gratuite des internautes d’informations élémentaires relatives à l’exercice de sa profession et dans la constitution d’un forum potentiel pour ses patients désirant « poster » des avis sur leur expérience. Ces finalités sont donc déterminées et explicites.
S’agissant des avis en ligne et de leur publication sur un forum, le tribunal relève que la finalité d’information du consommateur est légitime, dès lors qu’il existe des moyens de protection des droits de la personnalité contre d’éventuelles dérives tenant à des propos dépassant les limites admissibles de la liberté d’expression. La suppression définitive d’une fiche professionnelle ou le maintien de sa suppression, parce qu’elle contient des avis possiblement attentatoires aux droits du dentiste, contreviendrait au principe de la liberté d’expression, alors même qu’il lui est loisible d’agir spécifiquement contre les personnes à l’origine d’avis qu’il estimerait contraires à ses droits.
Quant à l’effacement des données, le tribunal rappelle que, selon l’article 17 al. 3 du RGPD, on ne peut invoquer l’effacement de données que celui-ci est « nécessaire à l’exercice du droit à la liberté d’expression et d’information ». Ce qui est bien le cas en l’espèce, dans la mesure où les informations en cause sont pour la plupart des informations dont la loi exige la publicité.