Orange condamné à 800 000 € pour non-respect de la licence GPL
Par un arrêt du 14 février 2024, la cour d’appel de Paris a condamné pour contrefaçon Orange pour ne pas avoir respecté les termes de la licence GNU GPL v2. Orange doit verser à Entr’Ouvert 500 000 € en réparation des conséquences économiques négatives subies, 150 000 euros au titre des bénéfices réalisés par les sociétés Orange et Orange Business Services et 150 000 € au titre du préjudice moral. La cour considère qu’Entr’Ouvert a d’abord subi un préjudice économique lié au manque à gagner sur le marché public Mon.service-public.fr « puisque si les sociétés Orange avaient respecté le contrat de licence et conclu une licence payante, elles auraient dû lui verser une redevance ». Par ailleurs, la cour relève que l’exploitation gratuite du logiciel Lasso par Orange a généré nécessairement des bénéfices pour ce marché public de grande ampleur qui a perduré pendant 7 ans, outre les retombées en termes d’image, ce portail ayant été primé. « Cette exploitation leur a permis de profiter d’économies d’investissement, puisqu’en exploitant gratuitement le logiciel Lasso qui leur permettait de remplir les standards de sécurité exigés par l’ADAE, les sociétés Orange ont pu économiser des frais de recherches et développement ».
La cour d’appel intervient sur renvoi après un arrêt de la Cour de cassation du 5 octobre 2022 qui avait cassé et annulé la décision de la cour d’appel du 19 mars 2021. Celle-ci avait déclaré irrecevable Entr’Ouvert à agir en contrefaçon de logiciel au titre de la violation du contrat de licence liant les parties, se fondant sur le principe du non-cumul des responsabilités délictuelle et contractuelle. La Cour de cassation a estimé que dans le cas d’une d’atteinte portée à ses droits d’auteur, le titulaire, ne bénéficiant pas des garanties prévues aux articles 7 et 13 de la directive 2004/48 s’il agit sur le fondement de la responsabilité contractuelle, est recevable à agir en contrefaçon.
Fin 2005, Orange avait répondu à un appel d’offre de l’Agence pour le gouvernement de l’administration électronique relatif à la mise en place du portail Mon service public, pour la fourniture d’une solution informatique de gestion d’identité. Orange avait proposé une solution comprenant l’interfaçage d’une plateforme IDMP avec la bibliothèque logicielle Lasso éditée par la société Entr’ouvert, sous licence GNU GPL. Mais celle-ci a reproché à Orange notamment la violation des clauses du contrat de licence du programme Lasso, portant sur ses droits de propriété intellectuelle en tant que titulaire revendiqué de droits d’auteur sur ce programme et a donc assigné Orange sur le fondement de la contrefaçon alléguée de ses droits.
La cour d’appel a commencé par demander à Entr’Ouvert de faire la démonstration de l’originalité du logiciel Lasso. Sur la base des éléments apportés, elle a conclu qu’il « est original dans sa composition, son architecture et son expression au regard des apports intellectuels et personnalisés qu’il comporte et matérialise et qu’il est donc le résultat de choix créatifs et arbitraires, allant au-delà de la simple mise en oeuvre d’une logique automatique et contraignante. Il est donc éligible à la protection par le droit d’auteur ».
La cour a ensuite examiné les trois violations du contrat de licence GNU GPL v2 invoquées par Entr’Ouvert. D’abord, la cour considère qu’Orange avait violé l’article 2 du contrat de licence, en procédant à des modifications de Lasso sur lequel est fondé IDMP, en ne concédant pas IDMP comme un tout gratuit auprès de l’Etat. Ensuite, elle juge qu’Orange n’a pas davantage respecté l’article 3 en ne communiquant pas le code source modifié. Enfin, la cour constate qu’Orange a copié, modifié et distribué Lasso sans respecter l’ensemble des conditions du contrat de licence, notamment l’article 4. Elle estime aussi que Lasso a été incorporé dans la plate-forme IDMP, dont les conditions de distribution sont différentes et sans demander l’autorisation à la société Entr’Ouvert, ce qui constitue également une violation de l’article 10 du contrat de licence. La cour en conclut que les actes d’Orange sont constitutifs de contrefaçon.