La Poste condamnée pour contrefaçon de logiciel
Par un arrêt du 8 décembre 2023, la cour d’appel de Paris a condamné La Poste pour contrefaçon de logiciel. Cette dernière doit indemniser le prestataire, titulaire des droits, à hauteur de 291 128 € en réparation de son préjudice patrimonial. La Poste avait mis en ligne sur le play store de Google son application de caisse incorporant les développements de la société LMB sans lui demander son autorisation alors qu’elle n’avait qu’un droit d’usage.
La Poste voulait se développer dans le domaine de l’e-commerce et s’est rapprochée de LMB qui commercialisait un logiciel de caisse Roversash pour le développement d’une application de caisse s’appuyant sur sa solution. Quatre contrats successifs ont été conclus. Le dernier précisait que la documentation et les codes sources de Rovercash appartenaient à LMB et que La Poste s’engageait à ne pas exploiter la solution développée sans l’accord du prestataire. Suite à la mise en ligne du logiciel, ce dernier a assigné La Poste en contrefaçon.
La Poste commence par invoquer le principe du non-cumul des responsabilités délictuelle et contractuelle qui interdit au créancier d’une obligation contractuelle de se prévaloir, contre le débiteur de cette obligation, des règles de la responsabilité délictuelle. Mais la cour a estimé fondée l’action en contrefaçon en se basant sur un arrêt de la Cour de justice de l’UE qui rappelle que la violation d’une clause d’un contrat de licence d’un programme d’ordinateur, portant sur des droits de propriété intellectuelle du titulaire des droits d’auteur de ce programme, relève de la notion d’ « atteinte aux droits de propriété intellectuelle », au sens de la directive 2004/48. La Poste conteste ensuite l’originalité de Rovercash, condition de la protection par le droit d’auteur. LMB a démontré qu’elle avait procédé à des choix dans l’écriture du code et dans la composition, donc dans la forme d’expression du programme, « traduisant ainsi un effort personnalisé du programmateur dépassant la mise en œuvre d’une logique automatique et contraignante. Ainsi que l’a relevé le tribunal, si certains de ces choix pris individuellement peuvent ne pas être originaux, ils traduisent toutefois, ainsi combinés, des choix arbitraires et spécifiques ».
Sur l’exploitation non autorisée du logiciel, La Poste s’est défendue en expliquant avoir voulu tester la solution en conditions réelles. Or, le 4ème contrat prévoyait que le droit d’usage du logiciel Rovercash n’était consenti que dans le cadre d’une phase de test, limité à un nombre précis d’utilisateurs (500) et non dans le cadre d’une commercialisation. Pour cela, il aurait fallu conclure un nouveau contrat et le paiement de licences additionnelles. Faute d’un tel accord, les actes de contrefaçon du logiciel Rovercash sont caractérisés, a jugé la cour d’appel confirmant le jugement de première instance.