Google / France-Soir : les CGU, une arme contre la désinformation
Par un jugement de 37 pages très motivé du 6 septembre 2022, le tribunal de commerce de Paris a donné gain de cause à Google qui avait déréférencé le site Francesoir.fr de Google Actu, estimant qu’il n’avait pas respecté les « Règles de Google Actualité » sur la fiabilité et la qualité de l’information, suite à la publication de nombreux articles niant l’existence, la contagiosité et la mortalité du covid-19. Le tribunal a rappelé que si la convention européenne des droits de l’homme garantit la liberté d’expression, elle prévoit cependant que son exercice n’est pas pour autant absolu et sans limite. Dans ces conditions, le tribunal a reconnu que Google était en droit d’édicter des règles déterminant les conditions d’éligibilité de son service et de déréférencer le site non conforme à sa conception de la qualité et de la fiabilité de l’information.
Si France-Soir, créé en 1944, a été un grand quotidien tirant jusqu’à 1,5 millions d’exemplaires, il est devenu un site en ligne polémique. Il a publié de 2011 à 2021 55 000 articles de presse référencés sur Actu et dont la plupart proviennent de contributions bénévoles. Le site n’emploie plus que deux journalistes professionnels, dont l’un est dédié à la vidéo, et celui qui est investi sur Actu n’a pas les moyens de vérifier les informations contenues dans les nombreux articles des contributeurs mis en ligne. Il a , par ailleurs, choisi un positionnement éditorial volontairement en rupture avec le consensus, notamment sur la question du covid.
De son côté, Google Actu est un prestataire de service qui fournit un moteur de recherche spécialisé dans l’actualité proposant des articles de presse contenant des informations « fiables, de haute qualité, récentes, originales et pertinentes », selon les « Informations consommateurs » de Google. Sur les contenus médicaux, il est imposé des règles de transparence, avec indication des sources, la date, le nom de l’auteur, etc. Son article 3 stipule par ailleurs que si le contenu n’est pas conforme à ses règles, il peut être déréférencé. Confronté à la publication de contenus litigieux et contraires à ses règles, Google a donc déréférencé le site d’Actu, il a supprimé la chaîne de Youtube et désactivé le compte Ad. Le référencement a toutefois été maintenu sur le moteur de recherche Google car les conditions générales ne sont pas les mêmes.
En réponse, France-Soir a assigné Google en référé pour obtenir le rétablissement du service. Débouté, il a introduit une action au fond en invoquant plusieurs fondements. Le tribunal a commencé par écarter l’argument tiré de la liberté d’expression, rappelant que celle « d’un éditeur n’est pas supérieure au droit à la liberté de la plateforme d’édicter des règles déterminant les conditions d’éligibilité à son service afin de garantir l’image, la qualité de son objet, objet qu’elle a toute liberté de définir dans le cadre de sa liberté d’entreprendre ». France Soir a également invoqué le fait que son déréférencement d’Actu et sa disparition de YouTube et d’Ad sont constitutifs d’un abus de la position dominante de Google sur le marché de ses trois services et que ses règles ne sont pas objectives, transparentes ni légitimes et ont pour but de contourner la loi sur les droits voisins et la décision de l’Autorité de la concurrence. Le tribunal a rejeté ces arguments comme celui tiré des pratiques restrictives de concurrence.