Facta : effacement des données d’un client indûment transférées aux USA
Par un jugement du 7 février 2022, le tribunal judiciaire de Grenoble a ordonné à la Banque Rhône-Alpes de faire toutes diligences à ses frais auprès des autorités fiscales des Etats-Unis afin qu’elles procèdent à l’effacement total de ses déclarations Facta antérieures à 2017 impliquant à tort son client, sous astreinte de 1.500 € par jour de retard. Il condamne la banque à verser 15.000 euros de dommages et intérêts à cet homme indûment inscrit dans le traitement lié aux déclarations Facta, le Foreign Account Tax Compliance Act qui oblige les établissements bancaires du monde entier à déclarer aux autorités fiscales des Etats-Unis tout client considéré comme contribuable américain. Le tribunal a également ordonné l’exécution provisoire de la décision, eu égard à l’ancienneté et aux circonstances de cette affaire. Une ordonnance de référé du 4 juillet 2018 du TGI de Grenoble, confirmée en appel le 3 octobre 2019, avait déjà ordonné à la Banque Rhône-Alpes l’effacement total de toutes les données personnelles du client figurant par erreur dans ce traitement.
Tout a commencé par une erreur de la banque concernant le lieu de naissance de son client. Un Français né à Ottawa, capitale du Canada, avait reçu un courrier de sa banque, la Banque Rhône-Alpes, lui demandant de confirmer qu’il présentait bien des critères d’« américanité », en raison de son lieu de naissance et l’informant qu’elle déclarait donc l’existence de son compte aux autorités fiscales américaines. Le client a téléphoné à sa banque pour lui confirmer qu’il était né à Ottawa, au Canada. Malgré cette démarche, la banque a maintenu sa déclaration outre-Atlantique. Il a ensuite demandé la rectification de cette erreur par la banque qui s’y est opposée, affirmant qu’il existe des villes du nom d’Ottawa aux Etats-Unis et que le client ne justifiait pas ne pas y être né. Finalement, et après fourniture d’un extrait de naissance, la banque s’est exécutée pour 2017, mais pas pour les années antérieures.
En exécution de l’ordonnance de référé, la banque a adressé à la DGFip de Bercy une simple déclaration rectificative mais ne s’est pas adressée aux autorités américaines. Cette démarche a eu pour effet une rectification de l’inscription mais pas son effacement, ce qui ne produit pas les mêmes effets, notamment en termes de trace. Dans son jugement, le tribunal a donc ordonné cet effacement sur le fondement de l’article 17 du RGPD. Selon le tribunal, « la banque, professionnelle du droit et particulièrement tenue à ce titre d’un devoir de vigilance, ne pouvait ignorer que le droit à l’effacement est un droit reconnu tant par la législation française que par les textes et la jurisprudence européennes et ne pouvait ignorer les contraintes particulières attachées d’une part à la transmission de données vers un Etat n’appartenant pas à l’union européenne et d’autre part à l’exercice du droit d’effacement pour les traitements mis en œuvre par les administrations publiques. ».
Par ailleurs, le tribunal a rappelé que si, en vertu de l’accord Facta, les déclarations rectificatives auprès du fisc américain sont opérées par la DGFip, rien n’interdit à la banque d’effectuer directement cette démarche. Le tribunal a considéré que l’absence de démarches de la banque malgré les décisions en référé justifiait de prononcer des astreintes.
Par ailleurs, le client de la banque a fait l’objet d’une autre inscription au Facta par une société du groupe bancaire. En effet, la banque se réserve le droit de communiquer les données personnelles de ses clients aux sociétés du groupe mais aussi aux partenaires. Mais elle a refusé de transmettre la demande de son client aux entités du groupe concernant l’erreur sur son américanité. Le tribunal lui a ordonné de leur communiquer le jugement et l’alerte de ne pas l’inscrire au traitement Facta.
Le tribunal a condamné la banque à verser 15 000 € à son client pour la réparation de son préjudice moral. Il a pris en considération le fait que la déclaration au Fatca lui a causé un préjudice par l’inquiétude qu’il a pu légitimement ressentir non seulement lors des passages aux frontières US mais également quant à l’éventualité d’une poursuite par le fisc américain. En effet, il peut craindre d’être recherché ou poursuivi par les autorités fiscales américaines pour les années antérieures à 2017 d’autant qu’il apparaît que l’application de la loi fiscale américaine peut être rétroactive.