Escroquerie en ligne : Monabanq condamnée pour manquement au devoir de vigilance

Par un jugement du 6 octobre 2023 du tribunal judiciaire de Lille, une banque en ligne a été condamnée à réparer le préjudice financier subi par une cliente victime d’une escroquerie en ligne car elle a manqué à son devoir de vigilance, en validant plusieurs ordres de virement sans vérifier les capacités financières et les connaissances de sa cliente pour se dispenser de lui apporter une information. En conséquence, la banque est tenue d’indemniser le préjudice subi, lié à la perte de chance de ne pas avoir conservé les fonds.
En l’espèce, une femme avait été contactée par un pseudo « conseiller » d’une plateforme en ligne spécialisée dans l’acquisition de parts SCPI dénommée « INFOSCPI ». Via son interface en ligne, elle avait donné instruction à sa banque Monobanq de procéder à un virement de 30 000 € au profit d’un compte à la banque Portugaise Banco BPI pour l’ « achat de parts de SCPI ». Le virement a été validé par son conseiller en ligne et deux mois plus tard, la cliente a donné instruction de procéder à un premier virement de 50 000 € au profit d’un compte à la banque Espagnole Banco Sabadell, puis à un second de 40 000 € au profit d’un compte auprès de la banque hongroise Optbank. Informée par l’Autorité des marchés financiers de l’éventualité d’une escroquerie commise à son préjudice, et en l’absence de réponse à ses demandes de restitution de fonds adressées sur la plateforme InfoScpi, celle-ci étant désactivée, la cliente de Monabanq a déposé plainte, mais cette dernière a été classée sans suite. Elle a donc mis en demeure Monabanq de réparer la somme de 120 000 € investie à perte. Après la contestation par la banque de toute violation de son devoir de conseil et de son obligation de vigilance, la cliente l’a assignée devant le tribunal judiciaire de Lille en responsabilité contractuelle et indemnisation du préjudice financier.
Le tribunal commence par rappeler que la banque est tenue à l’égard de ses clients non avertis à un devoir de mise en garde. Par ailleurs, elle doit justifier avoir vérifié les capacités financières et les connaissances de son client pour se dispenser de lui apporter une information spécifique et assurer à son égard son devoir de vigilance. La société Monabanq ne justifiant pas avoir contacté sa cliente au sujet des opérations concernées autrement qu’en exécutant les ordres de virement sollicités, le tribunal estime qu’elle a nécessairement commis un manquement à son devoir de vigilance, sans que la légèreté supposée de la victime n’ait eu un caractère exonérateur de sa propre responsabilité. Il conclut qu’elle doit réparer le préjudice financier, lié à la perte de chance de ne pas avoir conservé les fonds.
En cas de perte de chance, la réparation du dommage ne peut qu’être partielle. Toutefois, si le manquement à un devoir de vigilance ne peut donner lieu qu’à réparation d’une perte de chance, l’indemnisation ne peut être du montant des sommes investies. Monabanq est condamnée à payer 50 % des sommes à titre de réparation de la perte de chance de ne pas investir ses fonds à perte, soit 60 000 € assortie des intérêts au taux légal à compter de ce jour.