Diffamation : acte de procédure, nouvelle publication et délais de prescription
Par un arrêt définitif très bien motivé, la cour d’appel de Douai rappelle qu’en matière de diffamation en ligne, une assignation intervenue après la diffusion d’un texte incriminé constitue un acte interruptif du délai de trois mois de prescription, applicable aux diffamations. Elle précise également que toute nouvelle publication d’un contenu litigieux ouvre un nouveau délai de prescription trimestrielle, en l’espèce un lien sur Twitter renvoyant vers le site sur lequel l’article est publié, sauf s’il s’agit du même éditeur.
Trois anciens salariés de la société Umalis Group avaient créé la société EGS portage salarial, postérieurement à la levée de leur clause de non-concurrence en mars 2018. Le 1er avril 2018, Umalis a publié sur son site un article relatif à la création de la société EGS, en nommant ses ex-salariés et en tenant des propos sur eux très négatifs. Cet article a été relayé plusieurs fois, entre le 1er avril et le 7 août, sur les comptes Twitter d’Umalis et de son dirigeant. Le 30 juillet 2018, Umalis Group a publié un autre article diffamatoire sur les associés d’EGS puis un suivant le 1er août. Ces derniers et EGS ont assigné en référé Umalis et son dirigeant les 16 et 17 août 2018. Une ordonnance du 23 octobre 2018 a jugé ses assignations nulles car non respectueuses du formalisme en matière de diffamation. Le 27 novembre, ils ont assigné Umalis et son dirigeant au fond.
La cour d’appel a estimé que les actes de procédure des 16 et 17 août 2018 avaient fait courir un nouveau délai de prescription jusqu’au 16 novembre 2018. Par ailleurs, l’ordonnance de référé ayant été rendue le 23 octobre 2018, un nouveau délai de trois mois a commencé à courir jusqu’au 23 janvier 2019. Les demandeurs ayant assigné les défendeurs au fond le 27 novembre 2018, la prescription n’était donc pas acquise à ce moment-là. La cour estime en revanche que l’action en diffamation n’est valable que pour les articles parus les 30 juillet et 1er août et non pour celui du 1er avril. Si la cour admet que le fait d’avoir relayé ce texte par un lien sur Twitter constitue bien une nouvelle publication, elle relève cependant qu’il est paru sur le compte Twitter du responsable d’Umalis et de son dirigeant, aussi éditeur du site où l’article est paru. Ces tweets ne font donc pas courir un nouveau délai de prescription. La cour condamne pour diffamation Umalis et son dirigeant à verser 8 000 € au titre des frais irrépétibles aux trois associés d’EGS et à EGS, 15 000 € à un seul des associés et 10 000 € à EGS à titre de réparation.