Contrefaçon de logiciel : annulation d’une assignation trop imprécise

Par une ordonnance de la mise en état très motivée du 14 décembre 2022, le tribunal judiciaire de Nanterre a annulé une assignation en contrefaçon de droit d’auteur de la société Dassault Systems Solidworks pour n’avoir pas présenté et commenté le code source du logiciel en cause. Ce manquement a empêché les défendeurs de se défendre.
Dassault Systemes Solidworks reprochait à Emitech de détenir des licences d’exploitation en nombre insuffisant de son logiciel de CAO « Solidworks ». Avant tout débat au fond, Emitech a cependant soulevé une exception de nullité pour vice de forme. Un logiciel est protégé par le droit d’auteur à la seule condition d’être original. Il appartient donc à celui qui se prévaut d’un droit d’auteur dont l’existence est contestée de définir et d’expliciter les contours de l’originalité qu’il allègue. Pour respecter le principe de la contradiction figurant à l’article 16 du code de procédure civile, le défendeur doit connaître précisément les caractéristiques qui fondent l’atteinte qui lui est imputée et apporter la preuve qui lui incombe de l’absence d’originalité. Pour ce faire, au vu des faits reprochés, à savoir l’utilisation du ou des logiciels copiés servilement ou piratés, une comparaison des codes sources ne serait pas utile, mais l’analyse de celui du logiciel Soldiworks « pour définir les éléments et les enchainements logiques qui, en son sein, sont le siège de l’originalité alléguée », affirme le tribunal. Ce n’est pas une caractérisation prématurée de l’originalité de l’œuvre en cause qui est réclamée, mais, « la détermination et la définition objective des éléments subjectifs qui la caractérise pour permettre un débat contradictoire à la fois pertinent et loyal lui interdisant d’ajuster l’assiette des droits qu’elle revendique aux moyens opposés tant dans le cadre d’une fin de non-recevoir que dans celui d’une défense au fond : expliciter n’est pas prouver mais rendre clair et précis ; l’exigence d’explicitation touche à la détermination de la demande et non à la preuve de sa recevabilité ou de son bien-fondé, l’originalité n’étant pas un fait juridique qui se démontre, le cas échéant par présomption, mais une qualification juridique qui s’apprécie », explique le tribunal. Or, l’assignation ne contient aucun développement permettant d’identifier les caractéristiques dont l’originalité conditionne l’existence de ces droits. En raison du défaut d’explicitation du demandeur, l’assignation est affectée d’un vice de forme qui rend une défense utile impossible, faute de détermination préalable du périmètre et de l’assiette des droits opposés.