Yuka condamnée pour dénigrement et pratiques commerciales déloyales
Par un jugement du 25 mai 2021, le tribunal de commerce de Paris a condamné l’application Yuka à indemniser la Fédération des entreprises françaises de charcuterie traiteur (FICT) pour dénigrement et pratiques commerciales déloyales et trompeuses. Elle doit lui verser 20 000 € à titre de dommages-intérêts et 10 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile. L’application a, par ailleurs, interdiction sous astreinte de 1000 € par jour de retard d’opérer un lien direct entre d’une part, la pétition « interdiction des nitrates » ou tout appel à interdire l’ajout de nitrates ou de nitrites dans des produits de charcuterie, et d’autre part des fiches de l’application Yuka relatives aux produits de charcuterie contenant ou non des additifs nitrés. Sous astreinte de 500 € par jour de retardle tribunal, le tribunal ordonne également à Yuka de supprimer dans ses fiches techniques relatives aux additifs E249, E250, E251 et E252 toutes mentions précisant que ces additifs seraient cancérogènes et favoriseraient l’apparition des maladies du sang. Elle doit également supprimer, dans la section intitulée « pourquoi interdire les nitrites ajoutés ? », toute référence au fait que ces additifs favoriseraient l’apparition de cancer colorectal et de l’estomac et des maladies du sang. Elle doit en outre supprimer l’appréciation « risques élevés » attribuée à ces additifs.
L’application Yuka donne une note à un produit alimentaire qui est composé à 60 % sur ses qualités nutritionnelles, 10 % sur sa dimension biologique et les 30 % restants reposent sur la présence d’additifs. Concernant les produits de charcuterie, le consommateur a la possibilité de faire apparaître une pétition relative à l’interdiction des nitrites qui favoriseraient l’apparition du cancer colorectal et de l’estomac. Il s’agit d’un message d’alerte qui produit un effet dissuasif. Le tribunal relève que la divulgation de l’information que reçoit le consommateur au moment précis de son achat de la part de Yuka d’une disqualification du produit concerné pour des motifs de santé. Or, pour la FICT ces informations constituent un acte de dénigrement.
Pour qualifier ces actes de dénigrement, le tribunal commence par déterminer l’existence d’un double impact des affirmations de Yuka sur le comportement de la clientèle : d’abord l’application dissuade d’acheter certains produits dans un objectif sanitaire personnel et les incite ensuite à des arbitrages collectifs comme moyen de pression visant à interdire la vente de certains produits. Le tribunal constate ensuite l’impossibilité pour la FICT de répondre sur les mêmes suports avec les mêmes moyens aux allégations contestées. Il estime donc que la publication de cette information conduit à un déséquilibre manifeste entre la liberté d’expression d’une part et la liberté d’exercice d’une activité économique licite d’autre part, au détriment de la seconde. Ensuite, le tribunal juge l’existence d’une base factuelle insuffisante d’observations objectives au regard de la gravité des allégations en cause. Pour le tribunal, « Yuka alerte les consommateurs par des allégations graves qu’elle reconnaît ne pas être nécessairement objectives, qu’elle autorise à les dissuader d’achats sur le fondement d’observations « vraisemblables » et « d’opinion », qu’elle autorise encore à « l’encouragement à ne plus consommer certains produits sans aucune base factuelle », enfin que sa démarche peut être politique militante, et ce à l’encontre de produits dont la réglementation européenne transposée en droit français » qui garantit un niveau de protection élevée.
Elle applique le même raisonnement pour caractériser les pratiques commerciales déloyales dont elle est accusée. Elle constate que Yuka multiplie dans le contenu accessible de son application des références à des institutions et à des travaux scientifiques sans que le consommateur puisse vérifier la corrélation entre lesdits travaux et les conclusions que Yuka en tire dans son appréciation des produits. « Ainsi, Yuka induit-elle à tort un sentiment de confiance dans un environnement apparemment scientifique qui est susceptible d’altérer de manière substantielle le comportement économique du consommateur normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, à l’égard d’un bien ou d’un service. »