Une élue condamnée pour diffamation sur Facebook

Selon la 17ème chambre civile du tribunal judiciaire de Paris, un ou une élue ne doit pas « inverser la règle qui veut qu’en effet, dans le cas de polémiques politiques relatives au rôle ou au fonctionnement des institutions, une plus grande liberté d’expression soit tolérée, ce qui peut être le cas de propos remettant en cause les décisions prises par un adversaire politique ». En conséquence, il a condamné une maire qui avait publié sur la page Facebook de sa ville via son compte personnel des propos diffamatoires envers une opposante politique, l’accusant indûment de vol. Par un jugement du 13 janvier 2021, elle a été condamnée à lui verser 3 000 € de dommages-intérêts et 3 000 € sur le fondement de l’article 700 du CPC.
Dans un contexte tendu entre la maire LR d’une ville de banlieue parisienne élue depuis 2014 et une ex-adjointe au maire PS, la première a accusé la seconde d’un vol d’ordinateur de la collectivité, dans un post sur la page Facebook de la ville depuis son compte personnel. Ce texte a été publié quatre ans après les faits et la restitution du matériel. Pour le tribunal, le fait que la maire impute à cette ex-adjointe au maire, par la référence au code pénal et au fait de « voler des biens appartenant à la collectivité » ou d’avoir tenté de le voler ou d’abuser de la confiance de la collectivité, constitue un fait précis, susceptible d’un débat sur la preuve de sa vérité, portant atteinte à son honneur et à sa considération. Ces propos ont donc, selon le tribunal, un caractère diffamatoire.
La maire a invoqué sa bonne foi, faisant valoir qu’elle n’était pas journaliste, qu’elle s’exprimait à chaud sur Facebook où des expressions de moindre exactitude seraient tolérées ainsi qu’une « dose d’exagération ou de provocation » dans le contexte d’un débat politique au sein d’une commune et qu’elle poursuivait un but légitime d’information dès lors que l’adjointe s’était montrée récalcitrante. Le tribunal estime, au contraire, que le sujet ne concernait pas l’intérêt général et qu’il n’avait aucun rapport avec l’actualité ou le sujet légitime d’une polémique qui les oppose. Par ailleurs, elle ne justifie pas d’une base factuelle pour lui permettre d’affirmer que son adversaire se serait rendu coupable de vol ou d’abus de confiance. Le tribunal constate également qu’elle s’est exprimée sans prudence et avec une certaine malveillance. Enfin, il juge que « ses propos, loin de pouvoir se réclamer des dispositions de l’article 10 de la CEDH, ont dégénéré en attaque personnelle de Mme X., sans aucun lien avec le contexte de publication ». Dans ces conditions, la maire ne peut se voir accorder le bénéfice de la bonne foi et engage donc sa responsabilité pour avoir diffamé son adversaire politique.