Twitter obligé de fournir des documents prouvant son manque de diligence
Par un arrêt très motivé du 20 janvier 2022, la cour d’appel de Paris a confirmé l’ordonnance de référé du 6 juillet 2021 qui avait ordonné à Twitter International Unlimited Compagny de communiquer, dans un délai de deux mois, aux associations de lutte contre le racisme « tout document administratif, contractuel, technique, ou commercial relatif aux moyens matériels et humains mis en œuvre dans le cadre du service Twitter pour lutter contre la diffusion des infractions d’apologie de crimes contre l’humanité, l’incitation à la haine raciale, à la haine à l’égard de personnes à raison de leur sexe, de leur orientation ou identité sexuelle, l’incitation à la violence, notamment l’incitation aux violences sexuelles et sexistes, ainsi que des atteintes à la dignité humaine ». La société américaine devait aussi fournir des informations notamment sur le nombre de signalements provenant des utilisateurs français, sur les retraits subséquents et le nombre d’informations transmises aux autorités publiques compétentes et notamment au parquet. Reste à savoir si Twitter va se plier à la décision française. Le réseau social n’avait pas exécuté l’ordonnance de référé bien qu’elle était exécutoire.
Les associations UEJF, SOS Homophobie, SOS Racisme, AIPJ, MRAP et LICRA, qui luttent contre le racisme, l’antisémitisme et l’homophobie, reprochaient à Twitter de ne pas supprimer systématiquement et rapidement les messages racistes, antisémites ou homophobes qui sont publiés et signalés sur le réseau social. En vertu de l’article 6 V.1 de la LCEN, Twitter en tant qu’hébergeur est pourtant soumis à certaines obligations dont la lutte contre la diffusion de contenus illicites et leur retrait prompt. Les associations ont fourni un certain nombre d’éléments attestant de la faiblesse de l’action de Twitter pour respecter ses obligations. Et pour améliorer leur situation probatoire dans le cadre d’une éventuelle action en justice sur le fondement de l’article 6 V.1 de la LCEN, les associations ont demandé au juge des référés d’ordonner la communication de documents qui sont uniquement en possession de Twitter, sur le fondement de l’article 145 du code de procédure civile.
Le réseau social a contesté le fait de devoir communiquer ces documents. Or, pour convaincre le tribunal, les associations ont notamment fourni une étude portant sur 1 100 tweets qu’elles considèrent comme manifestement haineux dont seuls 126 ont été supprimés, soit 11,4 %. Elles ont aussi communiqué des attestations de personnes ayant signalé des propos racistes ou antisémites, toujours en ligne. Le tribunal estime que « dans ces conditions, les associations intimées, contrairement à ce que fait valoir l’appelante, disposent d’un certain nombre d’éléments factuels rendant crédibles la circonstance que Twitter ne supprimerait pas de manière efficiente les contenus haineux ». Il en a conclu qu’ils sont de nature à améliorer leur situation probatoire dans le cadre d’une éventuelle action en justice.