Sauvegardes et serveur dans le même datacenter : faute d’OVH

Si le tribunal de commerce de Lille rappelle que la responsabilité d’OVH ne peut être mise en cause pour les conséquences de l’incendie qui a ravagé ses centres serveurs à Strasbourg, il juge qu’il a commis un manquement contractuel à son offre de sauvegarde automatisée en stockant les sauvegardes dans le même bâtiment que le serveur alors qu’il s‘était engagé à ce qu’elles soient physiquement isolées de l’infrastructure dans laquelle avait été mis en place le serveur privé virtuel de son client. Par un jugement du 26 janvier 2023, OVH est condamné à verser 93 000 € de dommages-intérêts à son client ainsi que 7 000 € au titre de l’article 700 du CPC.
La société France Bati Courtage, dont l’activité est quasi exclusivement en ligne, avait souscrit un contrat de location de serveur virtuel VPS auprès d’OVH ainsi qu’une option contractuelle supplémentaire de sauvegarde automatisée afin de préserver et de pouvoir récupérer des données du serveur dédié. OVH s’était engagé à ce que cet espace de stockage soit physiquement isolé de l’infrastructure où le serveur virtuel privé du client se trouvait. En mars 2021, un incendie a détruit trois datacenters d’OVH à Strasbourg dont celui du serveur virtuel du client. Un mois plus tard, France Bati Courtage qui pensait récupérer ses données de la sauvegarde automatisée a appris qu’elle avait également été détruite car elle était stockée dans le même bâtiment.
Le tribunal commence par relever qu’OVH avait pris toutes les mesures de précaution contre l’incendie et n’avait pas commis de faute lourde ou de graves manquements à la sécurité. Concernant le respect de l’option de sauvegarde, OVH invoque la clause d’exclusion pour cas de force majeure. Or, l’article 1170 du code civil dispose que « toute clause qui prive de sa substance l’obligation essentielle du débiteur est réputée non écrite. « . Et en l’espèce justement, « réaliser les copies de sauvegarde et les mettre en sécurité, en particulier en cas de sinistre ou d’incendie, est une obligation essentielle du contrat. La clause 7.7 du contrat OVH prive donc de sa substance l’obligation essentielle de la SAS OVH et doit donc être réputée non écrite », conclut le tribunal.
Le client reproche par ailleurs à OVH d’avoir manqué à son obligation d’isoler physiquement la sauvegarde. Le tribunal procède à une analyse fine des termes utilisés dans le contrat pour juger qu’« en stockant les 3 réplications de sauvegardes au même endroit que le serveur principal, OVH n’a pas respecté ses obligations contractuelles vis-à-vis de France Bati Courtage ».Il estime donc qu’OVH doit réparer le préjudice subi par le client du fait de ce manquement. OVH invoque une clause figurant dans ces conditions générales limitant sa responsabilité au montant des sommes versées par le client, soit 1 800 €. Mais le tribunal considère que « la clause de limitation de responsabilité établie par la SAS OVH octroie un avantage injustifié à celle-ci en absence de contrepartie pour le client. Cette clause crée une véritable asymétrie entre les obligations de chacune des parties. En définitive, cette clause transfère le risque sur l’autre partie de manière injustifiée et sans contrepartie pour cette dernière ». Elle est donc réputée non écrite. En conséquence, le tribunal condamne OVH à verser à son client 93 000 € pour le au titre du préjudice pour perte d’actif incorporel, pour les travaux de restitution d’un hébergement des données et des sites, pour le préjudice financier et pour l’atteinte à l’image.