La Cour de cassation valide l’action en contrefaçon en cas de non-respect d’une licence de logiciel

Par un arrêt du 5 octobre 2022, la Cour de cassation casse et annule la décision de la cour d’appel en ce qu’elle avait déclaré irrecevable la société Entr’Ouvert à agir en contrefaçon de logiciel. Au titre de la violation du contrat de licence liant les parties, l’arrêt d’appel avait retenu que « la CJUE ne met pas en cause le principe du non-cumul des responsabilités délictuelle et contractuelle et il en déduit que, lorsque le fait générateur d’une atteinte à un droit de propriété intellectuelle résulte d’un manquement contractuel, seule une action en responsabilité contractuelle est recevable ». La Cour de cassation rappelle que la Cour de justice de l’UE avait conclu, dans un arrêt du 18 décembre 2019, « que « la directive [2004/48] et la directive [2009/24] doivent être interprétées en ce sens que la violation d’une clause d’un contrat de licence d’un programme d’ordinateur, portant sur des droits de propriété intellectuelle du titulaire des droits d’auteur de ce programme, relève de la notion d’ « atteinte aux droits de propriété intellectuelle », au sens de la directive 2004/48, et que, par conséquent, ledit titulaire doit pouvoir bénéficier des garanties prévues par cette dernière directive, indépendamment du régime de responsabilité applicable selon le droit national ».
En outre, la Cour indique que l’article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à 2016, prévoyait qu’en cas d’inexécution de ses obligations nées du contrat, le débiteur pouvait être condamné à des dommages-intérêts, qui ne pouvaient, en principe, excéder ce qui était prévisible ou ce que les parties ont prévu conventionnellement. Par ailleurs, selon l’article 145 du code de procédure civile, les mesures d’instruction légalement admissibles ne permettent pas la saisie réelle des marchandises arguées de contrefaçon ni celle des matériels et instruments utilisés pour les produire ou les distribuer. Pour la Cour de cassation, « il s’en déduit que, dans le cas d’une d’atteinte portée à ses droits d’auteur, le titulaire, ne bénéficiant pas des garanties prévues aux articles 7 et 13 de la directive 2004/48 s’il agit sur le fondement de la responsabilité contractuelle, est recevable à agir en contrefaçon ».
Fin 2005, Orange avait répondu à un appel d’offre de l’Agence pour le gouvernement de l’administration électronique relatif à la mise en place du portail Mon service public, pour la fourniture d’une solution informatique de gestion d’identité. Orange avait proposé une solution comprenant l’interfaçage d’une plateforme IDMP avec la bibliothèque logicielle Lasso éditée par la société Entr’ouvert, sous licence GNU GPL. Or, cette dernière avait estimé qu’Orange n’avait pas respecté les termes de cette licence et l’avait assigné en contrefaçon après avoir fait procéder à une saisie-contrefaçon. Entre’ouvert considérait que l’atteinte portée au droit d’auteur relevait du régime de la contrefaçon. Mais le TGI de Paris confirmé par la cour d’appel avait conclu que « la société Entr’ouvert poursuit en réalité la réparation d’un dommage généré par l’inexécution par les sociétés défenderesses d’obligations résultant de la licence et non pas la violation d’une obligation extérieure au contrat de licence ». En conséquence, les manquements à l’une de ses stipulations relevaient du droit de la responsabilité contractuelle et non de la contrefaçon.