Un site de notation condamné pour dénigrement

Par un arrêt du 7 mai 2025, la cour d’appel de Paris a confirmé l’ordonnance de référé du 4 juillet 2024 du tribunal de commerce de Paris qui avait enjoint Heretic de procéder à la suppression de la page de son site scamdoc.com sur laquelle figurait un score de confiance de 2%, décrit comme « très faible », au site de la société Baronnies granulés & co. La cour a estimé que « les modalités de calcul du pourcentage attribué, la liste complète des critères, l’importance relative de telle ou telle critère, leur pondération ne sont pas explicitées. Le rapport édité par la société Heretic n’apparaît en l’espèce ni prudent, ni mesuré et conduit à attribuer une note extrêmement négative, sans l’étayer de manière suffisamment substantielle. Dès lors, ce rapport revêt un caractère dénigrant ».
La société Heretic, qui édite le site signal-arnaques, objet d’un contentieux nourri, édite aussi le site scamdoc.com qui émet des notes sur la qualité et le sérieux de sites internet en tous genres en leur attribuant notamment un score de confiance exprimé en pourcentage. Avec un score de confiance de 2% donné à son site, la société Baronnies granulés & co estimait que cette note faisait peser un « risque de discrédit » sur son site. Elle lui a donc demandé le retrait du rapport défavorable sur scamdoc.com qui est restée sans réponse. Elle l’a donc assignée en référé devant le tribunal de commerce de Paris et a obtenu gain de cause. La cour a confirmé la demande de la société Baronnies granulés & co mais a considéré que le juste fondement n’était pas le risque de discrédit qui « ne constitue pas un trouble illicite dont le caractère manifeste est requis » mais le dénigrement, à condition d’en rapporter la preuve.

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Doctrine.fr condamné pour concurrence déloyale

Par un arrêt du 7 mai 2025, la cour d’appel de Paris a condamné la société Forseti, qui édite le site Doctrine.fr, à payer en réparation des actes de concurrence déloyale la somme de 40 000 euros à chacune des sociétés, Lexbase, Lextenso et Lamy Liaisons, et la somme de 50 000 euros à chacune des sociétés Edition Dalloz et Lexisnexis. La cour a jugé que « l’ampleur du fonds jurisprudentiel illicitement et déloyalement constitué par la société Forseti a créé un trouble commercial pour les appelantes, et leur a causé un préjudice d’image, dans ce marché concurrentiel des éditeurs juridiques, et ce d’autant que la société Forseti a fait de l’ampleur de son fonds jurisprudentiel l’un de ses principaux arguments de vente ».
Cette affaire remonte à octobre 2018, date à laquelle les sociétés Editions Dalloz, Lexbase, LexisNexis, Lextenso et Wolters Kluwer France, ont assigné Forseti soutenant que la collecte en deux ans de 10 millions de décisions de justice avait permis l’arrivée rapide de doctrine.fr sur le marché grâce à des pratiques trompeuses, déloyales et parasitaires. Les sociétés concurrentes faisaient valoir que Forseti s’était procuré des centaines de milliers de décisions auprès des tribunaux judiciaires de première instance, des tribunaux administratifs et de commerce de façon illicite. A préciser que le décret du 29 juin 2020 relatif à la mise à la disposition du public des décisions des juridictions judiciaires et administratives, n’était pas applicable au présent litige quant à la collecte et à la réutilisation des décisions de justice antérieurement au 31 décembre 2018. Les éditeurs de bases de données juridiques ont été déboutés de leurs demandes par un jugement du tribunal de commerce de Paris du 23 février 2023.
La cour d’appel a cependant infirmé ce jugement sur le fondement de la concurrence déloyale. Selon la cour, il existe des présomptions graves, précises et concordantes que la société Forseti s’est procuré des centaines de milliers de décisions de justice des tribunaux judiciaire de première instance de manière illicite sans aucune autorisation des directeurs de greffe, en violation des dispositions combinées de l’article 6 de la loi informatique et libertés et de l’article R.123-5 du code de l’organisation judiciaire. La cour a considéré que Forseti s’était ainsi ménagé un avantage concurrentiel indu par rapport à ses concurrents lesquels avaient sollicité sans succès l’autorisation des directeurs de greffe aux fins d’accès aux décisions rendues en audience publique. De même, il est reproché à Forseti de s’être procuré des centaines de milliers de décisions des tribunaux administratifs de manière illicite qu’elle avait obtenues dans le cadre d’une convention de recherche conclue avec le Conseil d’Etat qui visait à permettre le développement d’un logiciel libre d’anonymisation. Or, la réutilisation des décisions fournies et anonymisées était soumise à autorisation. Mais faute d’autorisation, la cour a estimé que Forseti s’était procuré ces centaines de milliers de jugements administratifs de manière illicite en violation des dispositions de la convention de recherche conclue avec le Conseil d’Etat.
S’agissant de la collecte des décisions des tribunaux de commerce, la cour a également jugé que Forseti s’est octroyé un avantage concurrentiel indu par rapport à ses concurrentes, lesquelles constituaient leur base de données à partir des diffusions publiques tels que Judilibre ou Legifrance, de conventions conclues avec certains tribunaux de commerce et d’acquisitions payantes sur Infogreffe. Si Forseti avait effectivement conclu en juillet 2017 un partenariat avec le GIE Infogreffe, cette convention avait été résiliée par Infogreffe en septembre 2018. Comme Forseti a refusé de verser au débat ladite convention, la cour a estimé qu’elle ne justifie pas de la collecte licite et loyale des 3 millions de décisions des tribunaux de commerce mises à disposition sur le site doctrine.fr.
La cour d’appel a en revanche rejeté les demandes des sociétés appelantes sur les pratiques commerciales trompeuses et le parasitisme.

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Condamnation pour défaut de désignation d’un directeur de la publication

L’absence de désignation d’un directeur de la publication dans les mentions légales sur un site internet est sanctionnée pénalement. Cette formalité est non seulement obligatoire mais elle aussi utile car elle permet d’identifier le responsable pénal d’un site. Dans l’affaire jugée par le tribunal judiciaire de Marseille, cette mention ne figurait pas sur un site accusé de ne pas avoir respecté les règles de publication du droit de réponse. La société éditrice du site a été condamnée au paiement d’une amende de 5 000 € pour ne pas avoir respecté l’article 6 III de la loi du 21 juin 2004. Les gérants doivent, de leur côté, payer une amende de 1 000 € pour défaut de désignation d’un directeur de la publication. Par ailleurs, un des deux gérants qui avait été destinataire de la demande d’insertion d’un droit de réponse en tant que directeur de la rédaction, a été jugé responsable de ne pas avoir respecté les règles relatives au droit de réponse et condamné à une amende de 1 000 €. En l’absence d’identification d’un directeur de la publication sur le site en cause, c’est le gérant qui est considéré comme revêtant une telle qualité. Sur l’action civile, les deux gérants et la société éditrice sont condamnés à verser 5 000 € de dommages-intérêts à la plaignante.
Un site internet avait publié un article titré : « Escroquerie voyage : une enquête lève le voile sur X et Y ». La société mise en cause avait adressé au site une demande d’insertion d’un droit de réponse. Le site avait publié une partie seulement du texte en dessous de l’article en cause. Une mise en demeure de publier l’intégralité du droit de réponse avait alors été envoyée. Le site s’était exécuté en publiant le texte mais à un autre emplacement et sans renvoyer à l’article. En plus, la publication est intervenue au-delà des trois jours de délais de réception légaux.

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Typosquatting : blocage judiciaire de 39 noms de domaine en .fr

Une fois n’est pas coutume, un groupe victime de typosquatting sur ses marques française, européenne et internationale a choisi de passer par la voie judiciaire pour bloquer les noms de domaine contrefaisants et obtenir réparation. Le tribunal judiciaire de Paris a ordonné le transfert à Groupama de 39 noms de domaine en « .fr » et a condamné le contrefacteur, bien qu’absent, à 4 000 € à titre de dommages-intérêts en réparation de l’atteinte à la renommée de ses marques. Eu égard au nombre de noms de domaine en cause, à la gravité et aux risques liés au maintien actif de ces noms de domaine et probablement au coût de la procédure, le groupe mutualiste n’a pas opté pour le mode alternatif de résolution des litiges Syrelli de l’Afnic qui revient à 300 € par nom de domaine. Par une ordonnance du 24 novembre 2023, le tribunal avait ordonné, sur requête de Groupama, à l’Afnic le blocage et le gel de ces 39 noms de domaine qui, en ajoutant ou en substituant certaines lettres, portaient à confusion, du fait qu’ils étaient visuellement ou phonétiquement similaires aux marques en cause. Dans son jugement, le tribunal considère que par ces dépôts, le déposant a tenté de capter sans motif légitime et de mauvaise foi le trafic des clients de Groupama. Et il estime que la caractérisation d’une intention malveillante est établie par la typographie et le grand nombre des noms de domaine réservés, justifiant l’ordonnance de 2023.

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Droit d’auteur : preuve de la titularité par la Blockchain

Par un jugement du 20 mars 2025, le tribunal judiciaire de Marseille a admis la blockchain comme mode de preuve de la titularité des droits patrimoniaux relatifs à des vêtements et qu’elle pouvait aussi servir à horodater la création.
AZ Factory commercialise sous ses marques des pyjamas Love With Alber et Hearts with Alber, inspirés des croquis originaux réalisés par le créateur Alber Elbaz. Sur un marché, elle a découvert que des vêtements en tous points identiques à ses créations et d’une confection de qualité bien inférieure étaient proposés à la vente. Il s’avère que les croquis ou images de ces vêtements avaient fait l’objet d’un ancrage dans la blockchain, par l’intermédiaire de la solution Blockchainyour IP. Le tribunal a d’abord reconnu l’originalité de ces œuvres relevant d’une combinaison de choix esthétiques et arbitraires émanant directement des croquis d’Alber Elbaz. Puis il a considéré que la titularité des droits patrimoniaux relatifs aux vêtements en question, au profit de la société AZ Factory, était établie par les deux constats de l’horodatage blockchain en date des 05 mai 2021 et 15 septembre 2021. Le tribunal a aussi précisé que les vêtements étaient commercialisés sous deux marques de l’Union européenne reproduites sur les étiquettes et que ces vêtements avaient été divulgués sur les réseaux sociaux par AZ Factory.

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La liberté d’expression prévaut sur le droit à l’oubli

Par un arrêt très étayé du 20 février 2025, la cour d’appel de Paris a fait prévaloir la liberté d’expression sur le droit des personnes à l’effacement de leurs données personnelles concernant la publication en ligne d’un article de presse évoquant la condamnation d’un ancien président d’un club sportif.
En 2009, le quotidien 20 Minutes avait publié un article sur la condamnation d’un responsable d’un club sportif pour complicité d’abus de confiance et de recel de bien obtenu à l’aide d’un abus de confiance, et d’abus de biens sociaux. Cette condamnation avait cependant été partiellement infirmée en appel quatre ans plus tard. Et en 2019, cette personne a mis en demeure le journal de supprimer l’article ou de l’anonymiser pour qu’il ne soit plus indexé par les moteurs de recherche. Au lieu de cela, 20 Minutes a mis à jour son article en ajoutant que la cour d’appel avait en partie infirmé le jugement. Estimant que le journal n’avait pas répondu à sa demande, il l’a assigné sur le fondement du RGPD, et plus précisément le droit à l’effacement (art. 17) et le droit d’opposition (art. 21).
La cour commence par rappeler que le droit à l’effacement et le droit d’opposition ne s’appliquent pas si le maintien des données est nécessaire à l’exercice du droit à la liberté d’expression et d’information ou s’il est motivé par des motifs légitimes et impérieux. Et elle ajoute que le droit à la protection des données personnelles ne peut être interprété comme un droit à faire disparaître à première demande des contenus médiatiques publiés sur internet. Mais elle précise que « la dérogation au droit à l’oubli à l’égard des sociétés de presse n’est pas absolue et l’organe de presse doit pouvoir démontrer que la persistance de la publicité des données est nécessaire à l’exercice du droit à la liberté d’expression et d’information ne porte pas une atteinte exagérée au droit à l’oubli et au respect de la vie privée. Il convient de trouver un équilibre entre le droit à l’effacement et le droit à l’information ».
Elle va donc examiner les arguments invoqués par le demandeur et effectuer une balance des droits. Sur le temps écoulé depuis la condamnation, la cour répond que « le souhait du monde sportif de rendre celui-ci “propre” maintient une actualité évidente pour cette condamnation et participe encore aujourd’hui de la liberté d’expression et d’information ». Par ailleurs, elle rappelle qu’il s’agit d’une personnalité officielle ayant présidé un club sportif notoire et que « la condamnation d’un homme ayant eu un rôle d’une certaine importance à la fois dans le domaine de la politique et dans celui du sport et pouvant souhaiter en retrouver un, et concernant des délits graves en rapport direct avec sa fonction de directeur d’un club de sports, n’avait pas perdu son intérêt d’information ». De plus, la cour estime qu’il n’a pas démontré que l’éventuel préjudice serait disproportionné par rapport à la nécessité de l’information. Enfin, elle juge qu’« il est important que des condamnations de personnes “publiques “ puissent être portées à la connaissance de tous de façon libre et sans restrictions. L’accessibilité de l’information est fonction de son importance et conforme à la nécessité de celle-ci ».
La cour a aussi rejeté la demande d’anonymisation de l’article au motif qu’« il est important que le nom apparaisse, il est un élément essentiel de l’information et la faire paraître sans qu’il soit désigné serait une restriction excessive à la liberté d’information. La mention des éléments d’identification et l’évocation de condamnations pénales relèvent en effet du droit à l’information du citoyen, comme toute divulgation au public d’informations, d’opinions ou d’idées, et de la liberté d’expression ».

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Logiciel : la question de la titularité ne relève pas du juge de la mise en état

Une ordonnance du 14 février 2025 du juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Paris rappelle que la question de la titularité des droits d’auteur sur un logiciel relève de la compétence du tribunal et non de celle du juge de la mise en état.
Un prestataire avait implémenté dans le code du site internet d’un client un logiciel d’un tiers et l’avait adapté aux spécificités et besoins particuliers du client sans autorisation ni paiement de redevance. Après avoir fait constater l’utilisation de codes et fichiers, la société tierce a fait assigner le client et ses prestataires en contrefaçon. Les parties en défense ont cependant soulevé à des fins de non-recevoir l’argument tiré du défaut de titularité de droits d’auteur par le demandeur et du défaut d’originalité du logiciel argué de contrefaçon, indiquant qu’il s’agissait en réalité de moyens de défense au fond.
Selon l’article 789-6 du code de procédure civile, le juge de la mise en état est, à compter de sa désignation et, jusqu’à son dessaisissement, seul compétent, à l’exclusion de toute autre formation du tribunal, pour statuer sur les fins de non-recevoir. Et l’article 122 du même code dispose que « constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l’adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d’agir, tel le défaut de qualité, le défaut d’intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée ». En ce qui concerne cette affaire, la qualité de titulaire de droits d’auteur sur le logiciel, comme pour toute œuvre de l’esprit ne résulte d’aucun titre enregistré mais s’apprécie au regard des conditions de fond des articles L. 113-1 à 10 du code de la propriété intellectuelle. Et l’examen de la titularité dépend de la question préalable de l’originalité de l’œuvre en litige, condition dont dépend le bien-fondé de l’action en contrefaçon, et non sa recevabilité. « La qualité d’auteur doit, de la même manière, être regardée comme une condition dont dépend le bien-fondé de l’action en contrefaçon de droit d’auteur, et non sa recevabilité. Dès lors, il ne s’agit pas d’une fin de non-recevoir et le tribunal statuant au fond l’examinera », conclut le juge.

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Pas de nullité du constat d’huissier non conforme à la norme Afnor

Dans un arrêt du 6 février 2025, la cour d’appel d’Amiens rappelle que le simple fait qu’un constat sur internet ne soit pas conforme à la norme Afnor ne constitue pas une irrégularité entraînant la nullité du constat. Cette norme recueille les bonnes pratiques à suivre par un huissier lorsqu’il effectue un constat sur internet mais elle n’a pas de caractère contraignant, rappelle la cour.
Deux sociétés avaient contracté avec un prestataire informatique pour la refonte d’un site et le développement d’un site d’e-commerce. Mais après leur mise en ligne des manques et dysfonctionnements sont apparus qui ont fait l’objet de deux constats d’huissier. Les deux sociétés clientes ont assigné en justice le prestataire demandant la résolution des contrats et le remboursement des sommes versées. Le prestataire a demandé à la cour d’écarter des débats les constats au motif que l’huissier n’avait pas respecté les conditions techniques propres à garantir la fiabilité et le caractère probant de ces constats, définies par la norme AFNOR NF Z 67-147 du 11 septembre 2010, et d’autre part qu’il ne s’était pas limité à procéder à des constatations purement matérielles.
La cour a cependant jugé qu’il n’y a pas lieu d’annuler les constats qui ne souffrent d’aucune
irrégularité et qui font foi, jusqu’à preuve contraire. Partant de là, la cour a constaté que les deux sociétés clientes fondaient leur demande de résolution sur les deux constats produits ainsi que les mails échangés. Or, il s’avère que ces deux constats sont insuffisants à rapporter la preuve des manquements graves de la société informatique qu’elles invoquent. En conséquence, elle estime que le prestataire n’avait pas manqué à ses obligations essentielles découlant des contrats, et elle déboute les clientes de leurs demandes de résolution des contrats.

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Logiciel : pas de protection sans preuve d’originalité

Par un arrêt du 29 octobre 2024, la cour d’appel de Bordeaux rappelle qu’un logiciel, même inachevé, peut bénéficier de la protection au titre des droits d’auteur. « Il en va ainsi d’un travail d’ébauche de logiciel qui serait suffisamment avancé pour constituer une étape fonctionnelle du travail dès lors que celui-ci est en soi empreint d’originalité ». Encore fallait-il en rapporter la preuve.
Deux frères, l’un informaticien et l’autre dessinateur, s’étaient rapprochés d’un agriculteur et fondateur de la société Myriocom, afin de développer et d’optimiser un logiciel dit « cahier sanitaire » servant dans le domaine du commerce de bétails. Prétendant être les auteurs de ce logiciel et reprochant à Myriocom et son fondateur de s’être servis, sans leur accord, de leur logiciel d’origine et de leurs travaux préparatoires en vue de son optimisation, les frères ont fait procéder à une saisie-contrefaçon. Mais faute d’accord amiable, ils les ont assignés devant le tribunal de grande instance de Bordeaux sur le fondement de la contrefaçon de droit d’auteur et de la concurrence déloyale et parasitaire.
Comme l’originalité du logiciel n’a pu être établie, celui-ci n’a pas pu bénéficier de la protection par le droit d’auteur. En conséquence, les frères ont été déboutés de leur action en contrefaçon. La cour a rappelé que l’originalité d’un logiciel « ne saurait résulter, comme en l’espèce, de la seule reproduction de captures d’écran de feuilles Excel et d’ interfaces, et notamment de l’interface utilisateur avec le détail de son menu ou de l’ouverture des différentes pages dont il est affirmé par MM. [M] l’originalité (…) sans expliquer en quoi les choix opérés, (…) procèdent d’une originalité reflétant les choix arbitraires de son auteur ».
En revanche, la cour a accueilli les demandes des frères relatives à la concurrence déloyale. Le procès-verbal de la saisie-contrefaçon a fait apparaître que sur l’ordinateur ont été trouvés des éléments relatifs aux travaux préparatoires remontant à l’époque où le fondateur de Myriocom travaillait avec les frères. Et alors qu’il n’a jamais été en possession des codes source du logiciel des frères, l’agriculteur s’est adressé à une autre société pour pouvoir finaliser la réalisation d’une application mobile permettant la traçabilité sanitaire de ses bovins. Les éléments ainsi saisis et les déclarations du fondateur de Myriocom ont confirmé qu’il avait repris le travail préparatoire du logiciel émanant des frères, et qui était leur propriété, dans le cadre du travail spécifique confié à une société tierce en vue de la création d’une application pour téléphone mobile,
La seule reprise pour son compte de ce travail constitue une faute qui cause préjudice aux appelants. Toutefois, il n’a pas été établi que Myriocom aurait tiré profit de leur travail pour s’approprier de nouveaux marchés. La cour a condamné la société et son fondateur à verser 5 000 € de dommages-intérêts aux deux frères.

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Messages privés : licenciement sans cause réelle et sérieuse

Une conversation privée sur Messenger qui n’était pas destinée à être rendue publique ne peut constituer un manquement d’une salariée aux obligations découlant du contrat de travail. En conséquence, le licenciement prononcé pour motif disciplinaire ne peut être justifié. Dans un arrêt du 21 novembre 2024, la cour d’appel de Paris confirme ainsi le jugement rendu le 23 juillet 2021du conseil des prud’hommes de Meaux qui avait jugé que la rupture du contrat de travail devait s’analyser comme un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
A l’occasion de l’absence d’une salariée, son employeur lui avait demandé de communiquer ses identifiants afin que ses collègues puissent accéder à ses documents professionnels pour les partager sur le réseau. Après avoir entré les identifiants et cliqué sur le volet « safari » permettant le transfert de fichiers, la direction affirme que la session Facebook de la salariée s’est ouverte automatiquement affichant ainsi les échanges de messages sur Messenger d’autres salariés. Parmi eux figuraient ceux d’une collègue dont les propos ont été considérés par l’employeur comme dégradants, insultants humiliants voire discriminants envers d’autres collègues ou le management et ont motivé son licenciement.
Pour la direction, le fait que la conversation Facebook se soit ouverte dès l’accès à l’ordinateur professionnel lui retire tout caractère privé. La cour d’appel désapprouve ce raisonnement en s’appuyant sur un arrêt de la Cour de cassation du 22 décembre 2023 qui avait retenu qu’une conversation privée qui n’était pas destinée à être rendue publique ne pouvait pas constituer un manquement du salarié aux obligations découlant du contrat de travail, et donc justifier un licenciement, prononcé pour motif disciplinaire. En conséquence, le fait que la salariée ait communiqué ses identifiants afin de permettre l’accès à son ordinateur professionnel et qu’à cette occasion les échanges Facebook aient été découverts ne saurait, contrairement à ce que soutient l’employeur, leur conférer un caractère public.
Il résulte des articles L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail, qu’un motif tiré de la vie personnelle du salarié ne peut justifier, en principe, un licenciement disciplinaire, sauf s’il constitue un manquement de l’intéressé à une obligation découlant de son contrat de travail. La cour d’appel en conclut que « l’employeur qui a utilisé le contenu des messages personnels émis par la salariée et reçus par une autre salariée grâce à un outil informatique mis à sa disposition pour son travail a porté atteinte à la vie privée de la salariée et lui a causé un préjudice ». Elle confirme le jugement du conseil des prud’hommes et la condamnation à verser 2 000 € de dommages-intérêts et 2 000 € au titre de l’article 700 du CPC pour les frais engagés.

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